Le chef de l'Etat plaide en faveur d'“un modèle économique nouveau” afin de contourner l'hégémonie des grandes puissances. Serait-ce les prémices du retour sur la scène internationale de “la troisième voie” ? Après avoir longtemps lorgné du côté des grandes puissances, notamment les Etats-Unis, la France, la Russie et l'Italie, l'Algérie semble effectuer, depuis peu, un certain revirement dans sa politique de coopération économique internationale en insistant sur un partenariat exceptionnel Sud-Sud à même de permettre aux pays émergents ou en développement de s'assurer une place dans un ordre économique mondial de moins en moins équitable. Le renforcement des relations de coopération avec des pays classés en tant que tel, à l'image de Cuba, du Venezuela, de l'Iran, de l'Afrique du Sud, du Nigeria, de l'Inde et de la Chine, et les déclarations tenues à plusieurs reprises sur ce sujet par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, accréditent la thèse d'une option d'une collaboration qui rassemblerait cette catégorie de nations qui veulent s'affranchir de l'hégémonisme occidental. D'ailleurs, le sommet Chine-Afrique, qui se tient actuellement à Pékin, a été une occasion propice au président de la République pour réitérer ce qui semble être “un objectif prioritaire” puisque inscrit en tant que tel par cette rencontre qui a attiré un nombre impressionnant de chefs d'Etat de tout le continent africain. Mais, au vu du déséquilibre criard qui existe en termes de potentialités et de ressources entre les pays du Sud, M. Bouteflika plaide, dans le but de contourner cet obstacle, pour l'établissement d'un “rapport de complémentarité” entre les deux espaces économiques. Ce que veut le chef de l'Etat c'est donc “un modèle économique nouveau”. D'ailleurs, il n'y a pas que l'Algérie qui défend ce point de vue. Le retour sur la scène internationale du mouvement des non-alignés, après un effacement de près de vingt ans, est un signe non négligeable des limites de l'ordre économique mondial en place. Nombre de nations essayent, en effet, de contester, chacune à sa manière, la prépotence des grandes puissances qui continuent à piller leurs richesses sans contrepartie palpable. À ce propos, la situation en Afrique constitue un vrai cas d'école en la matière. Le président Bouteflika l'a d'ailleurs répété hier dans son intervention lors de ce sommet. “Le continent africain n'a, malheureusement, pas reçu le soutien souhaité de ses partenaires au développement alors qu'il a besoin d'un accompagnement concret et d'un partenariat effectif basé sur une solidarité réelle et un équilibre des intérêts”. “C'est pour cela, dit-il, que nous fondons de grands espoirs sur une coopération Sud-Sud dans laquelle le partenariat sino-africain occuperait une place privilégiée car il donnerait lieu à une coopération fructueuse au bénéfice de chacune des parties”. Pour étayer ce choix, le président Bouteflika met en avant, d'un côté, les importantes richesses naturelles dont dispose le continent africain, et d'un autre, les besoins de certains pays émergents en matières premières. C'est donc un échange de matières premières contre un apport technologique que propose M. Bouteflika aux Chinois et, par extension, aux pays du Sud qui veulent s'inscrire dans cette option de coopération internationale. “Une large partie des économies africaines est exportatrice de ressources naturelles et de matières premières, fréquemment tributaires des fluctuations des cours et des autres aléas. Nous sommes donc actuellement en quête d'un modèle économique nouveau, prenant appui sur une production industrielle permettant les plus-values nécessaires pour une croissance durable et pour le développement harmonieux de nos économies”, expliquera-t-il aux nombreux opérateurs économiques et autres hommes d'affaires chinois présents à ce sommet et qu'il n'a pas manqué de courtiser en leur déclarant qu'ils sont “les mieux placés pour participer à cette grande entreprise”. Exhortant les entrepreneurs chinois à renforcer leur présence en Afrique à travers l'investissement dans les secteurs productifs et à apporter, ainsi, “une contribution significative au développement socioéconomique du continent”, le président Bouteflika a soutenu que plusieurs atouts plaident en faveur d'une telle politique, et tout d'abord les liens historiques et de qualité instaurés par la Chine avec la plupart des pays africains. Tout en rappelant, dans ce cadre, l'essor considérable des relations économiques entre la Chine et le continent africain depuis le Forum sino-africain de 2000, Bouteflika a davantage insisté sur la perspective qui est celle de l'investissement, notamment dans des secteurs tels que l'agriculture, les infrastructures, l'énergie et les nouvelles technologies. Cependant, pour lui, cet effort devra, à l'évidence, s'accompagner d'un transfert de technologie, de capitaux et de savoir-faire que “les entreprises chinoises sont aujourd'hui largement en mesure de fournir aux pays africains”. Le président de la République tente, par ailleurs, de convaincre les investisseurs chinois à se placer en Afrique en mettant en avant les nombreux avantages qu'offrent les économies du continent, à travers notamment la disponibilité de la matière première et d'une main-d'œuvre qualifiée. Par le biais de cette nouvelle politique, le président Bouteflika tente de contourner le black-out technologique imposé par les pays développés aux pays du Sud. Un resserrement des rangs pour une coopération Sud-Sud bénéfique pour tous les partenaires semble donc être une option efficace pour remédier au déficit en transfert technologique vers les pays en développement. Hamid SaIdani