Tandis que le souverain marocain exacerbe les tensions en estimant qu'un Sahara occidental indépendant favoriserait le terrorisme dans le Maghreb et le Sahel, le président de la République réaffirme, à partir de Pékin, l'engagement de l'Algérie à un règlement juste du conflit sahraoui. L'organisation d'un référendum d'autodétermination conforme au Plan Baker et aux résolutions internationales est, pour Abdelaziz Bouteflika, inévitable. En visite d'Etat à Pékin, le président de la République a réaffirmé la position de l'Algérie vis-à-vis du Sahara occidental. Abdelaziz Bouteflika a estimé, dans une allocution prononcée à l'université de Pékin, que l'organisation d'un référendum pour l'autodétermination du peuple sahraoui, conformément au Plan Baker et à la légalité internationale, demeure “inévitable”. Pour le chef de l'Etat, tout autant que pour l'Algérie, le conflit au Sahara occidental est “un problème de décolonisation” dont la résolution “incombe à la communauté internationale dans le cadre de la Charte des Nations unies et des décisions du Conseil de sécurité”. Abdelaziz Bouteflika a réaffirmé le soutien et l'appui de l'Algérie au secrétaire général de l'ONU et à son envoyé spécial, dans leurs efforts visant à trouver une solution “juste, équitable et définitive” à ce conflit. Autre rappel présidentiel, l'engagement de l'Algérie à la construction d'un Maghreb pérenne. “Notre engagement envers la question sahraouie ne constitue nullement une entrave pour l'édification du Maghreb arabe afin de répondre aux aspirations des peuples de la région”, a précisé Abdelaziz Bouteflika. Contrairement à Rabat, Alger ne considère pas le dossier sahraoui comme un frein à la construction maghrébine ou à la normalisation des relations bilatérales, celui-ci relevant exclusivement pour l'Algérie de l'instance onusienne. Cette réaffirmation présidentielle, et à des milliers de kilomètres d'Alger, de la position de principe de l'Algérie sur le dossier du Sahara occidental, intervient au lendemain du discours du roi marocain. Mohammed VI a estimé, lundi, dans un discours télévisé prononcé à l'occasion du 31e anniversaire de la “Marche verte” du 6 novembre 1975 que l'indépendance du Sahara occidental pourrait entraîner la déstabilisation de la région et favoriserait le terrorisme au Maghreb et au Sahel. “Nous réaffirmons (...) notre attachement à l'unité du Maghreb arabe et notre volonté d'épargner à cet espace, ainsi qu'à la région du Sahel et aux rives méridionale et septentrionale de la Méditerranée, les risques calamiteux de “balkanisation” et d'instabilité qu'engendrerait l'implantation d'une entité factice”, a déclaré Mohammed VI. Pour lui, la “redoutable hypothèse” que représenterait l'indépendance du Sahara occidental “transformerait la région en un marécage glauque servant de repaire aux bandes de terroristes et de malfrats faisant commerce d'êtres humains et de trafic d'armes”. Il annoncera dans ce sillage que le “plan de large autonomie” prôné par le Maroc pour le Sahara occidental sera présenté dans quelques semaines. La sortie du souverain marocain intervient quelques jours à peine après que le Conseil de sécurité de l'ONU eut réaffirmé dans une résolution adoptée à l'unanimité son souhait d'une solution politique au problème du Sahara occidental et qui permette l'autodétermination de son peuple. Dans cette résolution, co-parrainée par l'Espagne, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, le Conseil de sécurité réaffirme sa volonté d'aider le Maroc et les Sahraouis à “parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable”. Cette solution, ajoute le texte, doit “permettre l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d'arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies”. Rarement un souverain marocain n'avait usé de tels arguments pour justifier une quelconque souveraineté sur le Sahara occidental. Celle-ci étant d'ailleurs contestée depuis des décennies par le Front Polisario et la République arabe démocratique sahraouie. Il y a lieu de s'interroger sur le parallèle fait par Mohammed VI entre le désir d'indépendance des sahraouis, leur droit à l'autodétermination et la “balkanisation” de la région. Cette sortie de Mohammed VI soulève également une autre question. En quoi une éventuelle souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, contestée par les Sahraouis, constitue-t-elle un gage de stabilité régionale ou la garantie que le Maghreb et le Sahel ne basculent pas dans le terrorisme ? Sachant que le conflit entre le Polisario et le Maroc remonte à 1975, et qu'il est depuis plus d'une décennie en instance de règlement au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies. En réaffirmant la position de principe de l'Algérie sur le dossier du Sahara occidental, le président de la République vient diplomatiquement de replacer les choses dans leur contexte initial. À savoir, un problème de décolonisation et non de terrorisme. Samar Smati