L'Alliance Atlantique relance la polémique sur la création d'un éventuel cartel du gaz mené par le tandem Russie-Algérie plusieurs mois après la signature du mémorandum d'entente entre Sonatrach et Gazprom. L'OTAN avertit ses Etats membres sur cette éventualité. L'or bleu, et la sécurité énergétique, se trouvent au centre des préoccupations des experts militaires. Si Alger et Moscou pensaient en avoir fini des procès d'intention sur le mémorandum d'entente entre Sonatrach et Gazprom, notamment après l'accalmie européenne, la salve est cette fois-ci d'une autre nature puisqu'elle émane de l'éminence grise de l'Alliance Atlantique. Les experts du Comité économique de l'OTAN ont adressé la semaine dernière une étude confidentielle, selon The Daily Teleghraph, aux ambassadeurs des 26 Etats membres portant sur les prétentions éventuelles de la Russie à construire un cartel de gaz comprenant l'Algérie, le Qatar, la Libye, les pays de l'Asie centrale et peut-être de l'Iran. “Les alarmes devraient éclater. Au lieu de cela, elles tintent. Les conseillers de l'OTAN ont averti cette semaine l'Alliance que la prochaine étape de la Russie serait de former un cartel sur le modèle de l'OPEP avec d'autres fournisseurs de gaz, y compris l'Algérie, la Libye et l'Iran”, écrit dans le Daily Teleghraph, Edward Lucas, correspondant Europe centrale et Europe de l'Est pour The Economist. L'organisation militaire voit d'un très mauvais œil et redoute même une telle éventualité. La sécurité énergétique sera d'ailleurs, selon l'agence russe Ria Novosti qui cite une source diplomatique à Bruxelles, l'un des thèmes-clés du prochain sommet de l'Alliance atlantique qui se tiendra les 28 et 29 novembre prochains à Riga, en Lettonie. Les relations entre l'OTAN et la Russie risquent de connaître une période de tension certaine alors qu'un dialogue jugé de part et d'autre fructueux avait cours ces dernières années. Le géant russe, leader mondial du gaz, inquiète Européens et Américains. Si la guerre froide a été officiellement enterrée avec la chute du mur de Berlin, il s'agit aujourd'hui pour l'Europe comme pour l'OTAN de se positionner face à la stratégie d'accroissement de puissance de la Russie. Moscou a démontré pour les responsables de l'Alliance ses capacités lors de la crise gazière ukraino-russe, en fermant les vannes du pipeline alimentant Kiev et par la même les principaux Etats européens, revenant de fait au devant de la scène. Les grandes manœuvres de Gazprom, sur le front intérieur européen, sur l'Asie, l'Algérie et l'Amérique latine, sonnent le glas d'un calme apparent. D'autant que les experts occidentaux accusent le Kremlin de contrôler Gazprom et Moscou de faire de ses ressources énergétiques une “arme politique”. Il s'agit de l'objet même du rapport confidentiel établi par les experts du Comité économique à l'attention des 26 pays membres à la veille du sommet de l'Alliance. De l'avis des experts de l'OTAN, le nouveau cartel du gaz, s'il venait à être créé, aurait pour mission d'utiliser les matières énergétiques pour “réaliser des objectifs politiques, tout particulièrement dans les relations avec les pays voisins, notamment avec l'Ukraine et la Géorgie”. Ce rapport a déjà provoqué, selon Ria Novosti, la déception de Moscou. Alger n'est certes pas directement dans l'œil du cyclone. Elle l'est toutefois indirectement au vu du rapprochement stratégique avec Moscou et des suspicions militaires, cette fois-ci, qui pèsent sur le partenariat Sonatrach-Gazprom. L'Algérie participe au dialogue méditerranéen initié par l'Alliance Atlantique. Depuis 2000, les activités militaires et civiles se sont succédé dans ce cadre. Les délégations militaires bi et multilatérales entre l'Algérie et les pays membres de l'OTAN n'ont pas cessé depuis. Au plan multilatéral, quatre escales navales de l'Alliance ont été effectuées au port d'Alger en mai 2002, en octobre 2003, en décembre 2004 et en février 2006. Début octobre 2005, l'Algérie a pris part en Ukraine à l'opération Joint Assistance 2005, un exercice de gestion des conséquences d'un incident chimique dans le cadre d'une attaque terroriste. Des unités de l'ANP ont également participé à l'opération maritime de lutte antiterroriste Active Endeavour. Il reste toutefois à connaître la position de l'Algérie quant au dernier rapport des experts économiques de l'Alliance, sachant qu'Alger n'a eu de cesse depuis la signature du mémorandum entre Sonatrach et Gazprom d'expliquer son point de vue à ce sujet face à ses principaux partenaires et clients. L'or bleu va-t-il refroidir les relations “stratégiques” tissées ces dernières années ? La question reste posée. Samar Smati