Aussi bien dans ses déclarations que dans son comportement, la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice est apparue insensible aux appels à infléchir la politique étrangère américaine après la défaite des Républicains aux élections parlementaires du 7 novembre. Alors que le président George W. Bush semble affaibli sur la scène internationale après un désaveu électoral largement imputé à la guerre en Irak, Mme Rice a minimisé au Vietnam — où elle participait ces derniers jours aux réunions du Forum de coopération Asie-Pacifique — l'impact potentiel sur son travail d'un Congrès contrôlé par les démocrates. Elle a aussi rejeté les appels à dialoguer avec les ennemis des Etats-Unis comme la Corée du Nord, la Syrie et l'Iran. “Ce n'est pas du tout inhabituel pour des présidents (américains) de perdre des sièges au Congrès dans leur sixième année au pouvoir”, a déclaré la chef de la diplomatie américaine, vendredi, sur la chaîne CNBC Asia. “Mais ils sont restés présidents des Etats-Unis”. “Et je pense que ce que nous allons avoir au Congrès maintenant, ce n'est pas une opposition, mais une direction qui aura une certaine responsabilité envers le bien-être des Etats-Unis et l'exercice du pouvoir des Etats-Unis dans le monde”, a-t-elle ajouté. Au risque de renforcer la réputation d'arrogance de Washington, elle n'a accordé à la Chine qu'un “rôle régional” en Asie, critiquant le développement militaire “démesuré” de Pékin, dont les Etats-Unis doivent pourtant s'assurer le soutien sur des sujets auxquels ils accordent une grande importance, comme les dossiers nucléaires iranien et nord-coréen, ou encore le déploiement d'une force internationale au Soudan. Mme Rice a refusé de bouger d'un iota sur le dialogue avec les adversaires des Etats-Unis, malgré les appels de l'ancien secrétaire d'Etat James Baker et du Premier Ministre britannique Tony Blair. “Le dialogue est une tactique, pas une fin en soi”, a-t-elle réaffirmé jeudi, paraissant inflexible dans sa volonté d'isoler sur la scène internationale les pays du célèbre “axe du mal” de M. Bush. Elle a assuré n'avoir “peur de parler à personne”. “Je parlerai à n'importe qui, n'importe où et n'importe quand, dans les circonstances adéquates, si je pense qu'on peut faire des progrès”. La politique d'isolement de ses ennemis, pratiquée depuis six ans par l'administration Bush, est de plus en plus critiquée, aux Etats-Unis comme à l'étranger. “Nous devons oublier l'idée que l'interaction diplomatique est un jugement de valeur”, a ainsi souligné le directeur du centre de recherche américain CFR (Council of Foreign Relations), Richard Haass, dans une récente interview. Mme Rice, qui peut parfois apparaître orgueilleuse et têtue mais se retrouve désormais en première ligne après l'éviction de son vieil adversaire Donald Rumsfeld, devra pourtant tenir compte de l'avis du Groupe d'études de M. Baker, qui compte un autre de ses prédécesseurs républicains, Lawrence Eagleburger. R. I./Agences