En l'espace de six ans, les migrations clandestines par voie maritime ont enregistré une courbe ascendante, mettant tous les voyants au rouge. À peine à 75 miles marins des côtes espagnoles, le rivage ouest du pays offre une parfaite rampe de lancement aux candidats, de plus en plus nombreux, d'el-harga. De 2001 à 2006, 470 passagers clandestins algériens et 45 étrangers ont été interceptés au niveau des ports ou sur les navires mouillant à quai. Durant la même période, 590 émigrants clandestins algériens et 70 immigrants étrangers ont été secourus ou interceptés dans les eaux territoriales nationales dépendant du commandement ouest, avec près de 90% pour les deux seules dernières années et trois années blanches au compteur des statistiques. Du 1er janvier au 30 octobre 2006, 42 cadavres d'Algériens ont été repêchés, dont quatre identifiés. 388 harragas sont secourus, dont 373 Algériens, 11 Marocains, 2 Mauritaniens et 2 de Saint Vincent. En revanche, il y a 27 disparus. Ceci est le résultat de 28 interventions des gardes-côtes. En l'espace de six ans, la migration clandestine, par voie maritime, a enregistré une courbe ascendante, mettant tous les voyants au rouge. Devenu un authentique fléau, el-hedda n'est plus perçu par l'œil sentimental qui veut qu'on ait une sympathie toute particulière à ces nouveaux marins en quête de rivages plus salvateurs, mais le temps est aux bilans et à la recherche de solutions pour mettre un terme à ce qui est qualifié de véritable saignée de la jeunesse. Si le chiffre des passagers clandestins est en constante progression depuis 2001 à nos jours, passant de 29 à 146 personnes interceptées, les traversées clandestines de la Méditerranée sur des “botés” de fortune ou à bord d'embarcations aptes à la navigation, ont connu un boom instantané qui s'est vérifié, ces deux dernières années, avec les 92 et 532 migrants clandestins secourus et arrêtés dans les eaux territoriales, alors qu'ils étaient en partance vers les rivages espagnols. Un chiffre multiplié par cinq en l'espace de moins d'une année — les statistiques de 2006 courent jusqu'au mois d'octobre — et qui suffit pour expliquer un engouement, sans pareil de la jeunesse pour un canal que beaucoup d'entre eux pensent sans risques. Une croyance mise à mal par les observations du commandement de la façade maritime ouest, qui estime que la quasi-totalité des traversées finit, dans le meilleur des cas, devant la justice. Le responsable de la cellule de communication des forces maritimes se veut plus clair en affirmant que beaucoup d'Algériens, tentés par l'aventure, trouvent pour seule tombe le fond de la mer, alors que leur famille les croit sous le ciel de l'Europe. Une autre certitude ancrée dans l'imaginaire populaire veut que le candidat à l'immigration clandestine soit issu d'un milieu défavorisé, alors que, selon le responsable de la cellule de communication de la IIe Région militaire qui reprend les notes des services de sécurité, la plupart des harragas ne sont pas dans le besoin. L'autre aspect qui revient avec insistance lorsqu'on parle d'el-hedda reste celui des réseaux. Existe-il des réseaux de passeurs savamment organisés à même de prendre à leur charge un véritable circuit “commercial” d'el-hedda ? Pour ceux qui penchent vers l'affirmative, la réponse peut trouver ses racines dans la fréquence des traversées et le montant exigé pour l'embarquement qui varie entre 10 et 15 millions de centimes par personne. On avance aussi comme argument la logistique en jeu. Le dernier procès des 65 immigrants clandestins a jeté la lumière sur cet aspect du problème. D'autres, en revanche, estiment que si réseau il y a, il ne doit pas être international et qu'il est le fait de certains opportunistes qui envoient à une mort certaine des centaines de jeunes dans des cercueils ambulants. SAïD OUSSAD