Un séjour de quatre jours sous haute surveillance pour la première visite du pape dans un pays musulman. Les Turcs n'ont pas manqué de lui rappeler ses déclarations controversées sur l'islam. Benoît XVI avait failli mettre le feu aux poudres en assimilant, il y a trois mois, islam et violence. Le pape Benoît XVI, dont les propos assimilant islam et violence (!) ne sont toujours pas dissipés, entamait, hier, une visite sous haute surveillance en Turquie dont l'objectif est justement la “compréhension” entre les cultures. Sa visite dans ce pays à cheval entre l'Europe, l'Asie et la Méditerranée, la première dans un pays où la population est majoritairement musulmane, a été précédée par des manifestations organisées par des groupes islamistes et nationalistes. Les autorités turques sont sur les dents car le pari du pape semble difficile moins de trois mois après la violente polémique qu'il a déclenchée sur l'islam. “L'objectif est un engagement pour la compréhension et le dialogue entre les cultures”, devait assurer Benoît XVI à son départ de Rome, refusant toujours de faire son mea-culpa sur sa déclaration en porte-à-faux avec l'esprit de réconciliation dont il ne cesse de se prévaloir dès lors qu'il s'agit des cultures autres que celle judéo-chrétienne. Benoît XVI est un homme de paix dans tous les sens du terme et il espère que ses mots seront toujours compris comme une invitation à progresser dans un vrai dialogue entre les religions, devait déclarer à la presse, peu avant l'arrivée du pape en Turquie, Mgr Brian Farrell, membre du Conseil pontifical pour l'unité chrétienne. “Nous admettons tous que nous avons eu un passé qui, à travers les siècles, a été obscurci par tant de conflits et de souvenirs encore très vivants dans notre cœur, mais nous réalisons que l'histoire est en mouvement, que nous avons une formidable opportunité de prendre une nouvelle voie et de commencer à nous parler les uns aux autres avec le respect et la compréhension à même de nous acheminer vers la coopération”, telle est le message qui devait être livré par le pape, selon Mgr Brian Farrell. Donc, il est peu probable que Benoît XVI aille au-delà de ce qu'il a déjà dit après ses propos considérés comme blessants par l'ensemble des musulmans car proférés par un homme de foi et pas n'importe lequel d'entre eux. Aux yeux du Vatican, la Turquie n'est pas qu'un simple pays musulman, c'est également un pont entre les cultures occidentale et musulmane. La plus grande partie de la presse turque se montrait, hier, conciliante, espérant que la visite papale serait une opportunité pour consacrer la fraternité entre les religions chrétienne et musulmane. Benoît XVI a prévu de visiter une mosquée à Istanbul où il sera ce soir, après avoir passé la nuit à Ankara, où il devait s'incliner devant le mausolée du père de la Turquie laïc, Atatürk. Dans la capitale turque, il devait être accueilli brièvement par le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, en partance pour le sommet de l'Otan à Riga. Erdogan est à la tête d'un gouvernement issu d'une majorité parlementaire islamiste (AKP) qui fait plutôt preuve de pragmatisme. Le chef du gouvernement turc devait, en accueillant le pape, déclarer que la visite papale contribuera à la propagation de la paix dans le monde. Ankara s'est faite belle pour recevoir le pape mais dans l'indifférence de ses habitants, avant tout irrités par les mesures draconiennes de sécurité. Le dispositif de sécurité pour la visite du pape est encore plus lourd que pour la visite en 2004 du président américain, Bush. Le gouvernement turc, pris entre le souci de ne pas déplaire à ses électeurs et la nécessité d'intégrer l'Europe, veut éviter tout incident afin de donner une bonne image du pays à l'étranger au moment où il négocie difficilement son entrée dans l'UE. Pour sa première journée en Turquie, Benoît XVI devait se rendre au mausolée d'Atatürk, le père de la Turquie moderne qui a transformé ce pays majoritairement musulman en Etat laïc. D. Bouatta