L'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop), qui regroupe actuellement 30 entreprises privées exerçant des activités de fabrication, de conditionnement ou d'importation de médicaments, interpelle encore une fois les autorités publiques sur la situation de l'industrie pharmaceutique, à la veille de l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Hier, lors d'une conférence de presse qu'ils ont animée à l'hôtel El-Aurassi, les représentants de l'Unop ont appelé l'Etat à “sauver un secteur en détresse”, en protégeant effectivement la production nationale, non sans dénoncer “l'ouverture totale” du marché du médicament. “Toutes nos demandes d'audience sont restées lettre morte”, a révélé Ammar Ziad, le président de l'union, rappelant la dépendance du marché des médicaments vis-à-vis des “aléas d'une mondialisation particulièrement agressive, où les politiques des sociétés multinationales laissent souvent très peu de place aux industries locales”. Que deviennent les engagements de Amar Tou ? Plus crûment, un autre membre de l'Unop a accusé certaines multinationales, ayant déjà une mainmise sur les importations de produits pharmaceutiques, de “s'attaquer aujourd'hui à la distribution et la production en Algérie”. Il citera comme exemple la société EP10 qui, précisera-t-il, “distribue à l'échelle de l'Afrique, y compris en Algérie”. L'Unop, créée en 1999, représente, selon ses représentants, 75% des parts du marché algérien et 10% de la production nationale. Selon la même source, les 30 entreprises adhérentes emploient 12 000 salariés et ont investi 50 milliards de dinars. Dans un rapport d'une soixantaine de pages, rédigé en septembre 2005, et transmis notamment à la chefferie du gouvernement et au ministère de la Santé, l'Unop invite à un débat sur l'état du marché national du médicament, de ses enjeux et des transformations auxquelles ils devront faire face à l'avenir. L'association fait part de “l'inquiétude” des entreprises nationales, parmi elles celles regroupées au sein de l'Unop, qui se sont “lancées dans les projets de production pharmaceutique”, à la suite des obligations imposées par la réglementation en vigueur, émanant du ministère de la Santé, rappelant l'engagement des autorités publiques à “ne pas autoriser les importations de produits concurrents pour tout projet d'intégration correctement abouti”. “Les entreprises (…) sont profondément inquiètes par la disparition de cette protection”, notent encore les rédacteurs du rapport, puis de se demander comment les pouvoirs publics comptent “assumer leur engagement de protection de la production nationale et des projets d'investissement qui ont été réalisés (ou sont en cours de réalisation) sous leur impulsion politique directe”. Une attention particulière est réservée à l'expérience “intéressante” de la Tunisie, un pays à niveau de développement économique et social très proche de celui de l'Algérie, qui est surtout concerné par les mêmes types d'accords commerciaux internationaux que notre pays. Pour l'Unop, le voisin tunisien a mis en œuvre des solutions dans le secteur pharmaceutique sans remettre en cause “son statut de membre de l'OMC et de partenaire associé à l'UE”. “Le cas tunisien est là pour nous dire qu'il est possible de se protéger dans le contexte propre de l'OMC et de l'association au marché européen”, soulignent les rédacteurs du rapport, en mettant en exergue la résistance de nos voisins, malgré “les pressions” exercées. Couverture de 62% des besoins d'ici à 2010 Hier, les adhérents de l'Unop ont démonté les thèses développées sur le volume grandissant des importations de médicaments, en relevant, entre autres, l'achat de produits coûteux. Ils ont parlé de “contradictions” au niveau du nouveau cahier des charges (arrêté du 6 juin 2005), qui ouvre la voie à “l'ouverture totale du marché sans contrepartie”. Ils ont aussi critiqué “le flou” entretenu dans l'article 8, à propos de “la durée de vie supérieure aux 2/3 de la vie totale”. Quant à l'article 28, relatif à l'obligation pour les laboratoires étrangers installés en Algérie d'être les importateurs exclusifs de leurs produits, ils l'ont qualifié de “mesure anti-OMC” et d'“immixtion” du ministère de la Santé dans les relations commerciales. Parmi les autres anomalies, ils ont cité les “incohérences des prix des génériques et des princeps”, ainsi que “l'absence de règles logiques” régissant “la fixation des prix sortie usine des produits fabriqués localement”. “Nous aimerions avoir des réponses sur toutes les questions auxquelles nous n'avons pas été consultés, même sur le projet des marges qui est en cours de rédaction”, a déclaré un producteur, en affirmant plus loin : “Il y a revirement total dans la politique de développement de l'industrie pharmaceutique.” Sur le chapitre des revendications de l'Unop, l'intervenant a évoqué notamment “l'application des lois et des textes”, “la mise en place d'un cadre de concertation permanent”, “l'équité dans le traitement des dossiers”, “le respect des engagements” à travers la relance du “contrat de développement”, et “l'application du décret sur le corps des pharmaciens inspecteurs”. “La question est de savoir si l'Algérie veut une industrie pharmaceutique ou si elle veut la sacrifier sur l'autel de l'OMC”, a appuyé l'adhérent. Ce dernier a, en outre, signalé les résultats pouvant être réalisés par les entreprises nationales, à l'horizon 2010, si l'attention est accordée à l'industrie pharmaceutique et si l'Etat veille à l'application des lois, à commencer par l'ordonnance présidentielle du 19 juillet 2003 portant mesures de protection de la production nationale et le décret exécutif du 22 juin 2005 relatif aux mesures de sauvegarde. À savoir : la couverture “en valeur” de 62% des besoins, la création de 10 000 emplois directs et 30 000 emplois indirects, ainsi que le développement de l'export et la sous-traitance de qualité. H. Ameyar