La collecte d'argent des immigrés par les banques est-elle possible ? Si l'on croit Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, la réponse est oui. Pour ce faire, il propose, en compagnie de Guillaume Alméras, consultant, de créer une institution financière multilatérale dont le rôle est d'organiser la collecte. Dans un article publié par le journal Le Monde dans son édition de jeudi, et intitulé “Epargner pour la Méditerranée”, les deux experts ont “imaginé un système de financement privé reposant sur l'épargne des migrants en Europe et sur la création d'un "Livret A" original”. Dans un rapport rendu public en novembre et réalisé pour l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMed), ils constatent que les immigrés maghrébins envoient chaque année entre 5 et 10 milliards d'euros dans leur pays, dont 3,6 milliards pour le Maroc en 2005. Cet argent est, certes, consacré pour 51% à des dépenses de consommation courante, mais pourrait se muer en investissement. Ce qui n'est pas du tout le cas et les experts constatent que “l'épargne fuit la région du Maghreb et l'on chiffre à 7 milliards d'euros les fonds qu'Algériens, Marocains et Tunisiens placent en Europe et aux Etats-Unis”. Face à cette situation qui pénalise en partie l'investissement dans la région, MM. Hadj Nacer et Almeras proposent de créer une institution financière multilatérale. “Un peu à la manière de la Caisse des dépôts et consignations française, cette institution sécuriserait la gestion et assurerait le réemploi productif de cette épargne au sud de la Méditerranée”, notent-ils. “En 5 ans, nous estimons qu'il serait possible d'attirer 10 milliards d'euros sur ce qui serait le premier livret d'épargne européen”, commente Guillaume Almeras. Fonds de capital développement de proximité et garante de la gouvernance des projets, cette solution serait l'une des meilleures signatures de la zone et rassurerait les investisseurs locaux, d'autant que les fonds d'aide accordés à la région du sud de la Méditerranée, qui comprend, outre le Maghreb, la Jordanie, l'Egypte, la Palestine et le Liban (plus de 5 milliards d'euros en 6 ans), n'ont pas apporté les résultats escomptés. “Ce serait la solution la moins onéreuse d'aide au développement, car elle ne demande pas un euro de subvention”, conclut M. Almeras. Jean-Louis Guigou, président d'IPEMed, cité dans l'article, s'efforce de persuader du bien-fondé de cette proposition les banques et les gouvernements concernés. Il y voit l'occasion de “montrer que les deux rives de la Méditerranée ont un destin commun” et de “désamorcer les bombes semées par la pauvreté aux portes de l'Europe”. Salim Tamani