Le chef de l'Etat a lancé une boutade qui sonnait davantage comme une mise au point : ”À ceux qui disent que je suis sur le départ, je réponds : je ne pars nulle part, je reste là.” Finalement, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a réveillé les responsables de l'Etat, à différents échelons (plus de 400 cadres), aux aurores (l'installation des invités au Palais des nations a duré de 6h30 aux alentours de 8h), pour leur prononcer un discours, dépourvu des grandes annonces tant attendues, notamment celle relative à la date du référendum sur la révision constitutionnelle. Pendant deux heures un quart dans le cadre très officiel d'une conférence nationale des cadres de la nation, le chef de l'Etat a égrené des chiffres sur l'économie nationale, a parlé de projets de développement en cours de réalisation ou à venir, puis a remis subtilement quelques pendules à l'heure de ses volontés, voire de ses convictions politiques. Naturellement, il a abordé le thème de la réconciliation nationale, dont la charte, a-t-il rappelé, “a été approuvée par le peuple, en toute souveraineté, et très clairement avec grande force”. Il a ajouté que l'évaluation de la mise en œuvre de cette démarche “ne laisse aucun doute quant à la prise en charge adéquate de tous les citoyens et de toutes les familles touchées”. Il a précisé que les commissions de wilaya ont étudié plus de 80 000 cas et ont traité plus de 200 dossiers de ressortissants algériens, activant dans des réseaux terroristes à l'étranger. Dans une digression significative au discours préalablement préparé, le chef de l'Etat a reconnu qu'il n'avait d'autres choix que la voie de la réconciliation nationale. “Le choix était amer. Nous n'avons pas pris parti pour une catégorie sur une autre, comme le prétendent certains. Nous ne sommes pas venus vendre la République”. Insistant sur la justesse de sa solution de sortie de crise, le président Bouteflika a ajouté que “l'Algérie se doit de se réconcilier avec elle-même. Cela est possible dans le cadre de l'application saine de la loi relative à la réconciliation nationale”. Au-delà des limites imposées par une loi, qui a expiré le 31 août dernier, le premier magistrat du pays a affirmé que l'Etat se montrera encore clément envers les terroristes qui déposeront les armes. “Nos cœurs sont toujours ouverts pour ceux qui veulent revenir sur le droit chemin.” Il a nuancé, toutefois, ses propos en certifiant qu'en parallèle de l'application des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, “la lutte contre le terrorisme sera implacable et ne saurait connaître le moindre répit jusqu'à l'éradication totale et complète de ce fléau destructeur…” Sans marquer de transition et sans, non plus, préciser clairement, sinon par des sous-entendus, le sens de sa pensée, le président de la République a déclaré : “Je le dis sans détour : nous avons nos problèmes qui nous occupent suffisamment sans nous impliquer dans des mouvances internationales dont les objectifs ne s'inscrivent pas dans l'ordre de nos priorités nationales.” Parlait-il de la caution que souhaitent obtenir des candidats français à la présidentielle de 2007, ou bien du soutien avéré de l'Algérie à la cause sahraouie et au peuple palestinien ? Difficile à dire, même si le Président a poursuivi, laconiquement, “pour très attentifs que nous soyons à l'existence d'injustices, qui, ici et là, nourrissent et entretiennent l'esprit de frustration et de haine, nous avons, néanmoins et sans marchander notre solidarité aux autres, le droit et le devoir de donner maintenant une priorité à nos problèmes spécifiques”. Au terme de son allocution, le président de la République a lancé en direction de l'assistance, fortement nombreuse, une boutade qui sonnait davantage comme une mise au point. “À ceux qui disent que je suis sur le départ, je réponds : je ne pars nulle part, je reste là.” Faisait-il allusion à l'information ayant circulé dernièrement sur son éventuel départ en pèlerinage aux Lieux saints de l'islam ou aux rumeurs sur une prétendue démission de sa fonction de chef d'Etat et l'organisation d'une élection présidentielle anticipée ? La déclaration du président Bouteflika semblait revêtir un double sens, sur lequel la confusion est sciemment entretenue. Souhila Hammadi