Pour Mohammed Tozy, professeur de sciences politiques à l'université Hassan II de Casablanca, les appels à combattre les forces américaines en Irak attirent un nombre croissant de jeunes Marocains, même ceux qui ne sont pas de fervents pratiquants. Europe, Proche-Orient, Maghreb. Loin de se tarir, les sources de recrutement de djihadistes continuent de déverser leur flot de combattants au service du réseau Al-Qaïda. Et l'exécution de Saddam Hussein risque de cristalliser encore le ressentiment contre les forces américaines et son vassal irakien qui a fait de la pendaison de l'ancien raïs une affaire de vengeance personnelle. Depuis l'invasion de l'Irak, la coopération internationale contre le terrorisme s'est développée sans parvenir à assécher les sources de recrutement. Régulièrement, des réseaux sont démantelés en Europe. Récemment, l'Algérie a découvert que des volontaires partaient d'El-Oued. Le Maroc vient, à son tour, de démanteler une cellule spécialisée. “Les services de sécurité ont démantelé une structure terroriste avec des ramifications internationales, spécialisée dans le recrutement et le transfert de volontaires en Irak et opérant dans certaines villes et localités marocaines”, a annoncé, jeudi dernier, un communiqué du gouvernement. Les autorités ont arrêté 62 membres, tous Marocains, de ce groupe qui entretenaient des liens idéologiques et financiers avec Al-Qaïda et le GSPC, poursuit le communiqué. Le gouvernement a affirmé qu'ils avaient été arrêtés en toute transparence et dans le respect du droit, et il a précisé qu'ils allaient comparaître devant la justice. Une précision qui répond aux organisations marocaines de défense des droits de l'Homme, selon lesquelles au moins une quarantaine de personnes avaient été enlevées, entre le 26 et le 28 décembre dernier, à Tétouan et Ouezzane (220 km au nord de Rabat). Pour le Centre marocain des droits de l'Homme, selon lequel les personnes arrêtées ont été torturées, ces arrestations et enlèvements sont effectués en dehors de la loi. Selon des responsables de la sécurité, la police a démantelé plus de 50 cellules islamistes, dont certaines étaient liées à Al-Qaïda. En août dernier, le gouvernement avait annoncé le démantèlement d'une cellule qui comptait déclarer la guerre sainte dans le nord-est du Maroc et prendre pour cible des sites touristiques, ainsi que des symboles de l'Etat. Selon les autorités, le démantèlement de ce groupe démontrait l'existence d'une menace de plus en plus élaborée contre le royaume. Pour Mohammed Tozy, professeur de sciences politiques à l'université Hassan II de Casablanca, les appels à combattre les forces américaines en Irak attirent un nombre croissant de jeunes Marocains, même ceux qui ne sont pas de fervents pratiquants. “Il semble que l'idée d'aller se battre en Irak n'est plus intimement liée à l'islamisme et au djihadisme”, explique Tozy. “Être jeune, tout simplement, peut aujourd'hui prédisposer certaines personnes à suivre ce chemin”, explique-t-il. En fait, le royaume enchanté de Mohammed VI avait découvert le terrorisme islamiste dès le mois d'août 1994 avec l'attentat contre un hôtel à Marrakech ayant coûté la vie à trois touristes espagnols. Pour en limiter les possibles implications, les services de Driss Basri, alors tout-puissant ministre de l'Intérieur tombé aujourd'hui en disgrâce, en avaient rendu responsables les autorités algériennes accusées de manipulation. Sans se raviser, le Maroc a eu le temps de déchanter depuis. Le 16 mai 2003, le royaume est frappé par une opération terroriste de grande ampleur visant des installations touristiques à Casablanca. Moins d'un an après, en mars 2004, un autre carnage atteignait Madrid. La plupart des auteurs des attentats étaient Marocains. “Le Maroc semble être devenu le premier exportateur d'apprentis terroristes en Europe et dans le Sahel”, observent Nicolas Beau et Catherine Graciet qui ont publié, le 7 décembre à Paris, Quand le Maroc sera islamiste. Un expert de l'antiterrorisme français qu'ils citent dans leur ouvrage affiche de sombres présages. “En matière d'intégrisme, la Tunisie a tout verrouillé et nous ne craignons rien. L'Algérie a crevé l'abcès au prix d'énormes souffrances et de 150 000 morts. Le problème est derrière. En revanche, le Maroc est de loin la région la plus inquiétante...” Y. K.