Le soutien des Américains pour Bush a augmenté au lendemain de l'offensive contre l'Irak. Contenu à moins de 60% tout au long des semaines qui ont précédé le sommet des Açores, il semble que quelque 10 % d'Américains, grisés par l'allure de croisière que semble prendre l'engagement terrestre, se ravisent et reviennent à de meilleurs sentiments pour la guerre. Dès vendredi donc, 67% des citoyens américains appuyaient l'intervention de Bush en Irak. Ils peuvent le faire en toute bonne conscience, du moins pour l'instant : il n'y a pas de victimes civiles, si ce n'est quelques blessures pas forcément dues aux bombardements de l'alliance ; l'armée irakienne ne montre pas d'opposition notable face à l'offensive anglo-américaine. Mais on ne sait que ce qui se passe à Bagdad et sur la route des chars ; on ignorait, jusqu'à hier soir, ce qui se passait à Oum Qsar, et si une bataille avait commencé à Bassorah. Et comme pour l'instant, il n'y a que cinq boys — et huit soldats anglais — de perdus, il se peut que la popularité de cette guerre, à l'origine mal vue par l'opinion publique occidentale, ne laisse place à un soudain soutien. Certes, des manifestations se sont spontanément organisées dans certaines villes américaines, mais seulement dans les cités traditionnellement pacifistes de New York, San Francisco et Los Angeles. Dans les agglomérations européennes, ces rassemblements n'ont pas eu l'afflux d'avant-guerre. On ne peut pourtant parler de surprise puisque les hostilités étaient annoncées par un ultimatum. Paradoxalement, l'objet de ce conflit, les armes de destruction massive, constitue encore un mystère pour l'opinion publique : l'horreur de confirmer leur existence — avérée pour les spécialistes — retient peut-être encore le niveau des sondés, en même temps qu'eux retiennent leur souffle. La guerre, telle que promise par Bush, n'a pas commencé, aux premiers jours : elle n'a pas été inaugurée par le déluge de feux prévu. C'est chirurgical, et cela rassure les spectateurs de “War Game”. Et surtout, pas d'armes NBC. Et même si ces armes existaient et étaient lancées par Saddam contre l'armée alliée, il restera à vérifier l'efficacité des équipements “préservatifs” emportés par les troupes. Il est peu probable qu'il y ait un regain d'activisme terroriste en Europe et en Amérique du fait de l'attaque alliée. Comme chacun sait, l'Irak est le pays qui entretient le moins de rapports avec la mouvance islamiste. Une fois l'angoisse dépassée, ce sont les gouvernements qui recueilleront les dividendes politiques de cette peur retombée et des attentats qui n'auront pas eu lieu. Là aussi, la guerre était possible et sans risque : elle valait donc la peine d'être faite, penseront les opinions courantes. L'Europe des Etats s'est, elle aussi, calmée. A l'image d'un Chirac, contraint à “prendre acte” d'une guerre réelle après avoir condamné sa virtualité, elle est déjà passée, dans un sommet pathétique où il n'était pas question de parler de la guerre pour ne pas se gêner, à l'après-guerre, à la reconstruction, au Yalta irakien. Si rien ne vient perturber le plan d'attaque, d'ici la fin de la campagne, Bush et Blair auront renversé le sentiment des opinions qui s'expriment. Après tout, d'autres guerres, bien plus injustes et plus coûteuses que celle-ci, se passent depuis bien longtemps sans les faire mourir d'émotion. M . H .