Le sommet éclair des Açores n'a fait que confirmer que la diplomatie a échoué. Que fallait-il attendre de ce sommet organisé en grande pompe, et dont l'objectif virtuel était de mettre la communauté internationale devant le fait accompli de la guerre? Aux Açores, la guerre est sortie du domaine des probabilités pour devenir la réalité de demain, sans doute d'aujourd'hui, si le Conseil de sécurité n'obtempère pas à l'ultimatum que lui lança George W.Bush depuis les Açores. Donnant vingt-quatre heures à l'ONU pour le suivre dans sa croisade contre l'Irak, le président Bush a affirmé, dimanche aux Açores que «lundi (hier ndlr) est le jour où l'on saura si une solution diplomatique est encore possible pour l'Irak». En effet, c'est hier qu'expirait l'ultimatum donné à l'Irak pour désarmer, et l'Irak, selon Bush «n'a pas désarmé» et sera donc «désarmé par la force». Le devenir immédiat de la paix et de la sécurité dans le monde ont été expédiés en moins d'une heure trente, le temps que dura l'escapade des nouveaux parrains du monde dans l'enchanteresse presqu'île portugaise. Lors de la conférence de presse qui a suivi le sommet, les trois alliés se sont exprimés allant tous dans le sens de la guerre, selon eux désormais inévitable. Ainsi, Bush dira: «Le dictateur irakien est un danger pour la sécurité des nations libres. Il est un danger pour ses voisins. Il soutient le terrorisme. Il est un obstacle (à la paix) au Proche-Orient. Pendant des décennies, il a cruellement opprimé le peuple irakien.» Prenant le relais, Blair ponctuera ses propos en déclarant «le temps est venu de prendre une décision» alors qu'Aznar précisera: «Si Saddam veut désarmer et éviter las graves conséquences dont il a été prévenu par les Nations unies, il peut le faire. C'est donc de sa seule responsabilité.» Voilà donc des responsables politiques qui, minoritaires aux Nations unies, - lors du débat public de jeudi, au Conseil de sécurité, les représentant d'une quarantaine de pays sont intervenus pour s'opposer au déclenchement d'une guerre qui aurait des conséquences désastreuses pour la paix et la sécurité du monde -, ne s'expriment pas moins en leur nom, sommant même le Conseil de sécurité de se plier à leur desiderata guerrier. Avec ou sans le Conseil de sécurité, la guerre aura néanmoins lieu, comme l'ont voulu dès le départ les Etats-Unis. Le reflux actuel d'Irak des diplomates est un signe probant que le temps n'est plus aux discussions. C'est ainsi que le chef des inspecteurs en désarmement de l'ONU, Hans Blix, a déclaré dimanche que les inspections se poursuivraient lundi (hier) mais que «les inspecteurs peuvent être évacués à très bref délai». Entre 140 et 150 experts onusiens se trouvent présentement en Irak, autre signe de la guerre imminente est l'annonce de la cessation de «toutes ses opérations» par la mission d'observation de l'ONU pour l'Irak et le Koweït (Monuik) instaurée après la guerre du Golfe de 1991. Selon un porte parole de la Monuik, la mission est passée hier «à la phase 4 (de l'alerte), qui implique la cessation de toutes les opérations» le long de la frontière entre l'Irak et le Koweït. Dans une dernière tentative de désamorcer la tension, le président français, Jacques Chirac, avait indiqué dimanche qu'il était d'accord pour donner un dernier délai d'un mois ou de soixante jours à l'Irak, avant toute action militaire. Cette ouverture française a été, le même jour, rejetée sèchement par le vice-président américain Dick Cheney. C'est dire que pour les Américains, le temps des conciliabules est bel et bien révolu et qu'il n'y a plus de place qu'à la guerre. Acculé dans ses derniers retranchements, Saddam Hussein menace à son tour «si la guerre lui est imposée» de porter la confrontation à l'échelle planétaire, déclarant, lors d'une réunion avec son état-major militaire: «Lorsque l'ennemi déclenchera la guerre, il devra savoir que la confrontation entre lui et nous s'ouvrira partout où se trouvent un ciel, une terre et une mer, à l'échelle du globe terrestre en entier.» C'est, à la limite, de bonne guerre que le président irakien use à son tour de menace, mais il ne faut pas s'y tromper: si jamais la guerre est déclenchée, il y aura surtout un carnage que rien, absolument rien, ne peut aujourd'hui excuser. Sûr de lui et de ses droits, M.Bush a indiqué en marge du sommet des Açores que «le monde est devant des journées cruciales (...). Demain (hier, ndlr) sera le moment de vérité» (entendre l'expiration de son ultimatum à Saddam Hussein) avertissant: «L'Irak désarmera ou sera désarmé.»