C'est, en effet, à l'aune de l'issue de ce conflit et du “nouvel Irak” qui en sortira que seront jugés l'entêtement des deux hommes et leur intransigeance face au refus quasi planétaire de l'option militaire. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont fini par mettre leurs menaces à exécution. La guerre contre l'Irak a donc commencé, en dépit des réserves de nombreuses autres puissances de ce monde et sans l'aval du Conseil de sécurité des Nations unies. George W. Bush et Tony Blair, en engageant ainsi leur pays dans une guerre aux relents d'expédition punitive, savent qu'ils agissent envers et contre tous et qu'ils resteront comptables, cela tombe sous le sens, de l'unilatéralité de leur décision. A les voir tenir tête à la communauté internationale, on en conclut qu'ils sont prêts à en assumer les retombées. Il reste que des innombrables doutes qui entourent cette guerre, une certitude émerge d'ores et déjà : l'homme fort de la Maison-Blanche et celui de Downing Street auront à supporter seuls, y compris aux yeux de leur opinion nationale déjà plus ou moins sceptique, le bilan de l'opération qu'ils baptisent “Liberté de l'Irak”. Leur défi au monde équivaut ainsi à un quitte ou double. C'est, en effet, à l'aune de l'issue de ce conflit et du “nouvel Irak” qui en sortira que seront jugés l'entêtement des deux hommes et leur intransigeance face au refus quasi planétaire de l'option militaire. Débarrasser Bagdad de Saddam le tyran, libérer le peuple irakien de la dictature qui l'écrase depuis un quart de siècle et mettre la main enfin sur ces armes de destruction massive qui font de l'Irak une menace sur la sécurité dans le monde ont été et demeurent, ne l'oublions pas, les motivations déclarées de cette campagne. Si, au lendemain du dernier jour de cette guerre, d'aussi nobles objectifs sont atteints, le monde, les Irakiens avant tous les autres, serait tenté d'oublier le mode d'emploi américano-britannique, et Bush autant que Blair pourraient se réjouir d'avoir su résister à la désapprobation générale pour mener ce qui s'apparenterait, alors, à une opération de salubrité internationale. Cela montrerait, en plus, l'organisation onusienne dans toute sa nudité : incapable d'empêcher une guerre et impuissante sans la guerre à faire respecter les conventions internationales en matière de désarmement. Voilà qui achèverait de discréditer l'ONU et qui favoriserait un transfert de légitimité de cette organisation vers les puissances militaires et économiques. C'est en cela aussi que cette guerre risque de constituer un grave précédent. Mais on n'en est pas encore là car, au cas où les troupes américaines et britanniques quitteraient l'Irak bredouilles, en y laissant le clan Saddam dans toute son omnipotence, il faudrait au tandem Bush-Blair expliquer autrement leur seconde campagne dans le Golfe, alors que le monde n'a pas encore saisi les motivations réelles de la première. On pensera alors, inévitablement et à juste titre, au pétrole. S. C.