L'adoption de la résolution 1441 sur l'Irak donne un nouveau sursis à l'ONU. Il ne fait pas de doute que la passe d'armes de ces dernières semaines autour du désarmement de l'Irak ont confirmé les Etats-Unis dans leur rôle de maîtres du jeu. Il est également probable que la toute puissance américaine a été quelque part relativisée, par le fait que des pays ont montré qu'ils n'étaient pas prêts à donner carte blanche, ou toute latitude, à Washington d'agir à sa guise dans les affaires qui intéressent au premier chef la communauté internationale. En vérité, dans cette bataille feutrée qui, en réalité, dessine les contours des relations internationales futures, il n'y a pas eu à proprement parler de vainqueurs, mais plutôt un pat. En fait partie remise, d'autant que les membres permanents au Conseil de sécurité, et partenaires des Etats-Unis, ne veulent pas abdiquer sans avoir, auparavant, fait valoir leurs droits face à l'hyperpuissance américaine. Le sort de l'Irak était, pour ainsi dire, scellé depuis belle lurette, il s'agissait en fait, pour les grands de ce monde, de savoir quelles sont leurs propres limites face à l'ogre américain. L'Onu, qui a perdu progressivement de ses prérogatives au bénéfice des Etats-Unis, depuis la guerre du Golfe, n'est plus que le prétexte, ou mieux la couverture, à une légalité internationale maintes fois foulée aux pieds cette dernière décennie, par Washington. Depuis toujours, les dirigeants américains ont agi en vertu des seuls valeurs et intérêts des Etats-Unis. C'est encore plus vrai avec la disparition de l'URSS et la main-mise américaine sur les affaires du monde, faisant apparaître les prémisse du pouvoir unipolaire américain. Russes et Français qui livrèrent, à fleuret moucheté, la bataille du pouvoir aux faucons de l'Administration Bush, ne l'ont pas fait pour les beaux yeux de Saddam Hussein, ou pour atténuer les souffrances du peuple irakien, mais bien pour préserver le peu de marge de manoeuvre dont ils disposent encore face à Washington. Dans cette gigantesque lutte pour la mainmise sur le monde, il n'y a pas à l'évidence place pour les sentiments. Car, dans cette jungle policée tous les coups sont permis. Et il faut bien convenir que le président irakien, Saddam Hussein qui, par ses fautes politiques, a énormément contribué à placer les Etats-Unis dans leur rôle de leader mondial, a eu en revanche le mérite de mettre à nu les fissures existantes entre les tenants de l'ordre mondial qui aspirent à dominer la planète. De fait, l'ONU au nom duquel tous les grands prétendent agir, n'existe plus dans sa version fondatrice, et ce sont les Etats-Unis, avec l'accord tacite des autres membres permanents du Conseil de sécurité qui, depuis août 1990 (date de l'invasion et de l'annexion du Koweït par l'armée irakienne), ont donné le la aux actions des Nations unies lesquelles, paradoxalement, n'ont aucun pouvoir et ne peuvent agir d'aucune manière dans un conflit comme celui du Proche-Orient, qui menace plus que ne peut le faire l'Irak, la stabilité et la sécurité du monde. Et pour cause, Saddam Hussein qui entrave les intérêts américains dans la région du Golfe et du Proche-Orient est un homme dangereux qu'il faut absolument éliminer, alors que son alter ego israélien, Ariel Sharon, criminel de guerre notoire, boucher du peuple palestinien à Sabra, Chatila et Jénine, a été reçu ces derniers mois, en maintes occasion en grande pompe, par le nouvel empereur du monde: George W Bush. Aussi, le vote de la résolution 1441 par le Conseil de sécurité n'est qu'un vote en trompe-l'oeil, donnant aux uns et aux autres de faire accroire à un fonctionnement «légaliste» du Conseil de sécurité, alors qu'en fait Paris et Moscou, (notons au passage l'inexistence politique de ce géant économique qu'est l'Union européenne, dont au moins deux membres, la France et la Grande Bretagne, défendent des objectifs différents) n'avaient que le souci de préserver ce qui pouvait encore l'être. Ce qui donna une résolution qui rappelait par ses dispositions le jugement de Salomon. En effet, Français et Russes ont obtenu le retour, le cas échéant, devant le Conseil de sécurité, car ils ne sont pas dans l'absolu contre une frappe militaire de l'Irak, mais veulent que cela soit fait dans les règles. Les Américains, pour leur part, sont assurés de pouvoir, à terme, - et ils comptent sur les bévues de Saddam Hussein pour ce faire -, mettre à exécution leur plan de démantèlement de l'Irak et d'accaparer les richesses énergétiques de ce pays. Après, le vote à l'unanimité de la résolution 1441, on pouvait estimer que l'ONU a retrouvé un certain crédit dans l'unité qui semblait avoir prévalu dans les rangs des quinze membres du Conseil de sécurité. En fait, l'ONU en sort paradoxalement plus affaibli, car le «consensus» obtenu était plus le fait des pressions américaines et des intérêts particuliers des grandes puissance que la recherche véritable d'une issue «civilisée» à la tragédie irakienne. En réalité, les Nations unies, contraints de s'effacer devant les permanents, et singulièrement les Etats-Unis, sont plus que jamais en sursis. A ce titre le test irakien a été plus que probant.