Le tribunal criminel près la cour de Blida, qui traite l'affaire de la caisse principale d'El Khalifa Bank, a ouvert, hier, le dossier des agences bancaires de Khalifa en invitant à la barre Aziz Djamel, directeur de l'agence bancaire Khalifa d'El-Harrach. Ce dernier est accusé dans cette affaire pour plusieurs chefs d'inculpation retenus contre lui, notamment celui d'association de malfaiteurs. Il faut dire que l'inculpé qui a débuté l'audition avant-hier dans l'après-midi, a donné du fil à retordre à la juge qui a juré en entamant la séance d'hier matin de rester 20 heures consécutives s'il le faut avec l'accusé Aziz Djamel pour lui arracher la vérité de sa bouche. “Akli, le caissier, avec tout ce qu'il a fait, est plus courageux que vous”, a tenu à dire la magistrate à l'accusé qui campait sur ses positions en ce qui concerne l'argent donné à Chachoua, Dahmani, Ghazi et d'autres responsables dans la sphère Khalifa. L'accusé affirme que cet argent était sorti avec des écritures comptables et avec l'aval du P-DG Abdelmoumen Khelifa. Pour coincer l'accusé, la juge intervient pour dire : “Ecoutez, M. Akli, le caissier, est là, il a affirmé que l'écriture comptable arrivait à la caisse sans l'argent. Qu'est-ce que vous dites de ça ?” Le directeur de l'agence répond sereinement : “Madame la juge, je me demande comment je pourrais savoir que l'argent n'était pas arrivé à la caisse principale. Jamais la direction générale ou le caissier principal ne m'avait renvoyé mes écritures comptables ou m'avait interpellé concernant le transfert de fonds pour me dire que l'argent n'était pas arrivé à la caisse.” L'accusé reste convaincu que ces opérations étaient protégées par des écritures comptables. Mais, ces explications ne persuadent pas la juge qui, par un geste inattendu, exhibe à l'assistance la photo de la villa de trois étages de l'accusé Aziz Djamel, construite en un temps record (huit mois). “On ne construit pas une villa de cette envergure avec un salaire de 50 000 DA”, fera remarquer la magistrate qui s'interrogera sur l'origine de l'argent surtout que la villa était occupée par un cabinet dentaire appartenant à la femme de l'accusé et les autres étages ont été occupés par un centre d'hémodialyse. Le prévenu avouera plus tard que la villa ne lui appartenait pas, mais que c'était un bien de sa femme et de son frère. “Je suis issu d'une famille aisée”, dira Aziz Djamel pour se défendre. “J'ai bénéficié d'un prêt de 200 millions de centimes qu'El Khalifa Bank m'avait accordé. J'ai un frère de profession entrepreneur qui m'avait aidé dans la construction. Quant aux équipements du cabinet de ma femme, explique toujours l'accusé, j'avais aussi bénéficié d'un prêt Ansej en 1996 et je l'ai remboursé.” La juge revient à la charge sur la façon du transfert opéré par l'agence en cédant des sacs bourrés d'argent à certains responsables de KB cités dessus : “Expliquez-nous le trou financier qu'avait enregistré votre agence ? Selon les chiffres, le trou est de plus de 44 milliards de DA.” “Ce n'est pas un trou financier, madame la juge”, réplique l'accusé. La magistrate lui demandera : “C'est quoi, alors Monsieur ?” “C'est un transfert de fonds”, a expliqué l'ancien banquier du CPA en provoquant la colère de la juge qui, en se tenant sa tête, a expiré un grand souffle après l'avoir retenu. “Vous ne faites qu'aggraver votre situation”, ajoutera la magistrate qui passe à la question des placements d'argent par les sociétés nationales, notamment dans l'agence d'El-Harrach. Dans cette affaire, le P-DG Yacine Ahmed qui dirigeait la société Digromed, était cité pour un placement de 325 millions DA. La juge l'interroge sur la nature de ce placement : “Est-ce que vous connaissiez le P-DG de Digromed ?” “Je l'avais connu par l'intermédiaire de son DFC qui connaissait Khelifa Abdelmoumène. Il était passé me voir pour se renseigner sur les modalités de placement avec des taux d'intérêt qui variaient entre 10 et 20%. Quelques jours après, il était revenu me voir pour me dire qu'ils avaient bien accepté ces modalités, nous avions alors signé la convention entre moi et le DFC. J'ai eu l'occasion de connaître le P-DG Yacine Ahmed que lorsqu' il m'a sollicité pour un prêt. Ce prêt dépasse mes prérogatives, alors je lui ai présenté mon DG qui est Abdelmoumen, et c'est à ce moment-là que la ligne de crédit a été accordée”, a expliqué l'inculpé qui avoue par la suite que “le P-DG de Digromed a anticipé le retrait de son argent en bénéficiant des intérêts qui seront transférés à son compte”. À ce moment intervient la présidente pour ajouter que “le P-DG a même pris certaines sommes en devises. La juge s'est également demandée si cette opération était comptabilisée ou pas ?” Dans sa lancée, Mme Brahimi a fait savoir à l'assistance que la deuxième femme du P-DG de Digromed travaillait à Khalifa Airways. Des cartes gratuites pour la mise en forme au centre de thalassothérapie. Plus de 39 personnes inscrites, la plupart des personnalités importantes dans une liste pour bénéficier des séances de relooking. Selon les dires de la juge, la séance était cédée à 120 000 dinars et que ces personnes avaient fait plus de 20 séances avec une ardoise qui n'avait jamais été réglée par la banque Khalifa. L'accusé se défend en disant qu'il s'agissait d'un coup de marketing dans cette affaire selon la convention passée entre Khalifa et Thalasso qui réservait la location de trois locaux à la disposition de la banque en contrepartie du financement de l'achat de matériel thérapeutique pour le centre. La juge dira : “Quel est le rapport qui vous relie à Aoun, un P-DG qui gère une des grandes entreprises qui fait la fierté de l'Algérie ?” “Pour moi, c'était un client, je vous fais savoir Madame que chaque personne possédant une carte paie lui-même sa facture de mise en forme.” La juge poursuit : “Si vous aviez dirigé la liste nominative, alors vous êtes un cadre supérieur de Khalifa ?” L'accusé rétorque : “Non Madame, je suis un banquier et je dois gagner l'estime de mes clients.” Et d'ajouter : “D'ailleurs, c'est la direction de ce centre qui m'avait sollicité pour leur envoyer des gens respectables.” Le procureur général l'interpelle sur la question du règlement des factures en lui rappelant que son adjoint avait tout révélé. L'accusé répond : “J'ai fait la prison, y a pas de problème, je connais ces déclarations.” K. FAWZI