Aziz Djamel, directeur de l'agence Khalifa à El Harrach: «L'argent sorti était accompagné de toutes les pièces comptables.» Le tribunal criminel de Blida sur le procès concernant la grande affaire de «Khalifa Abdelmoumen», a clôturé samedi les auditons relatives au premier dossier sur la caisse principale de Khalifa Bank, pour entamer dimanche matin celui des agences bancaires de Khalifa en ouvrant le bal des débats qui s'annoncent tout aussi palpitants. Aziz Djamel, directeur de l'agence bancaire de Khalifa d'El Harrach, fait l'objet dans cette affaire de plusieurs chefs d'inculpation, dont principalement celui d'appartenance à une association de malfaiteurs, a été le premier à être appelé à la barre. Vu l'importance de cette agence et le rôle joué par son directeur, l'audience s'était poursuivie dans la matinée dans un climat électrique entre une juge décidée à acculer l'accusé dans ses dernièrs retranchements et ce dernier qui s'était défendu avec acharnement en repoussant les lourdes accusations. Aussi, le début des débats a été marqué par un accrochage de routine. Sentant les réticences et la méfiance, la juge dira dans sa tentative de faire plier l'accusé qu'elle avait tout le temps pour écouter et qu'elle était disposée à consacrer plus de 20 heures à l'audience, s'il le fallait. La juge recourra à toutes les astuces et autres techniques pour le coincer. Elle lança pour l'attirer dans son terrain: «Vous savez que le caissier de la banque, Akli, était plus coopératif en nous disant tout. Faites comme lui». La juge passa à l'attaque en questionnant l'accusé sur les sommes importantes transférées à la Caisse en transitant par les intermédiaires tels que Chachoua. Dahmani, Ghazi, et autres responsables. Aziz expliquera que le transfert de l'argent sorti de l'agence s'est fait dans un cadre normal et légal de transfert de fonds et non des prêts comme l'attestent les écritures comptables et avec l'aval et le consentement du président-directeur général Khalifa Moumen. La juge l'interrompit pour une confrontation: «je vous rappelle que Akli le caissier, qui est là, avait pourtant déclaré que l'écriture comptable arrivait à la Caisse sans l'argent. Que dites-vous?» Il dit en toute assurance: «Ecoutez, madame, je suis responsable de l'argent à l'agence. Une fois acheminé par les voies normales, il ne relève plus de ma responsabilité.» La juge maintient la pression: «Mais vous devez quand même suivre le mouvement et vous assurer que l'argent était arrivé à bon port. Cela fait partie aussi de votre travail.» Piqué le directeur de l'agence répliqua: «Ecoutez, madame, l'argent arrivait à la Caisse qui n'avait jamais protesté ou renvoyé les écritures comptables. Cela me dégage de cette responsabilité.» Non convaincue, la juge recourra à d'autres subtilités pour tenter de piéger l'accusé qui maintenait que les opérations de transfert étaient bien protégées par des écritures comptables conformes à la réglementation. C'est alors qu'elle exhiba une photo de la villa de trois étages, propriété de l'accusé, en lui disant d'expliquer comment elle avait été construite en un temps record de huit mois seulement et où il avait trouvé l'argent pour l'achat et la construction. «On ne construit pas une villa pareille avec un salaire de 50.000DA», dira-t-elle. Aziz répond se sentant très à l'aise pour argumenter. Il dira que la villa en question était une co-propriété de sa femme et de son frère, engagés dans un cabinet dentaire. Il ajoutera qu'elle appartenait à une famille aisée et qu'il avait bénéficié d'un prêt de 200 millions de centimes de la Banque Khalifa qu'il avait remboursé. De plus, il avait été aidé par un frère de profession entrepreneur. Enfin, il dira qu'il avait aussi bénéficié d'un prêt Ansej en 1996 et qu'il avait remboursé. La juge ne désarma pas en rappelant le trou financier de 44 milliards, selon l'estimation du liquidateur, laissé par l'agence et s'efforça de comprendre si l'agence avait un tremplin pour le dépôt de l'argent de grandes sociétés, et leur détournement à des fins personnelles avec le consentement du président-directeur général et la complicité du directeur général de l'agence en parfaite symbiose. «Donnez-nous encore des explications sur ce trou financier de votre agence et ce transfert d'argent dans des sacs de certains responsables de Khalifa Bank, sans laisser de trace.» L'accusé se défend toujours: «Ce n'est pas un trou». Elle l'interrompit dans un jeu plaisant de questions-réponses pour lui arracher un aveu: «C'est quoi, alors?» Rien, l'accusé persiste: «C'est un transfert de fonds.» «Vous ne faites qu'aggraver votre situation», dira-t-elle presque menaçante. «Que dites-vous alors des placements d'argent par les sociétés nationales dans votre agence. Par quel mystère cet argent a-t-il atterri chez vous?» L'accusé dit: «Dans un cadre normal d'activité conformément à des conventions établies entre la banque et ces organismes.» La juge cite l'exemple de Yacine Ahmed, président-directeur général de la société Digromed, qui avait placé 325 millions de dinars à l'agence. «Le connaissiez-vous avant?» L'accusé dira: «Je l'avais connu par l'intermédiaire de son directeur finances et comptabilité. C'était lui-même qui était venu discuter de la convention et des modalités de placement dont les taux d'intérêts variaient entre 10 et 20%. Le président-directeur général avait demandé pour lui un prêt d'un volume qui dépasse mes prérogatives. C'est alors que je l'avais présenté à mon directeur général Khalifa, seul habilité à le faire.» L'inculpé indiquera que le président-directeur général de Digromed avait anticipé le retrait de son argent en bénéficiant des intérêts. La présidente, au fait du dossier, posa une série de questions pour confirmation: si le P-DG avait également pris certaines sommes en devises, si cette opération était comptabilisée ou si la deuxième femme du P-DG de Digromed travaillait à Khalifa Airways? La juge passa alors à la question des cartes gratuites de relook et de mise en forme au centre de thalassothérapie de Zéralda en demandant au directeur de l'agence de s'y expliquer. Il dira, sans le nier, qu'il s'agissait d'une opération de marketing entre la banque et ce centre. 39 personnes, dont des directeurs d'entreprise, ont bénéficié de ces cartes. La juge dresse la facture à raison de 120.000DA la séance et que chaque bénéficiaire avait eu 20 séances. Qui a payé cette ardoise? Selon cette convention, le centre met à la disposition de la banque trois locaux en contrepartie du financement de l'achat de matériels thérapeutiques pour le centre.