Les auditions, hier, de Ahmed Fouatih Belkacem, le P-DG de la Sarl Fouatih et Nébia, et de Addou Samir, gérant de Sotrapla, poursuivis pour complicité dans la dilapidation de deniers publics, ont été le moment fort de ce début de deuxième semaine du procès de la BCIA. Considérés comme étant au centre de l'affaire dite des traites avalisées qui a causé un préjudice financier à la BEA estimé à 12,7 milliards de dinars, entre traites avalisées par la BCIA et Union Bank, ainsi que des chèques certifiés, à travers ses deux agences Yougoslavie et celle de Sig, les deux prévenus ont répondu à des questions portant sur leur rapport avec la banque privée, avec leurs clients et la BEA. Un triptyque au cœur de l'audience d'hier, avec la comparution première de Fouatih Belkacem, un homme d'affaires connu sur la scène nationale et patron, entre autres, des supermarchés Açyl et de plusieurs entreprises, commencera par retracer son parcours commercial. Il expliquera au juge les raisons qui l'ont poussé à opter pour la BCIA, des raisons puisées dans la célérité des banques privées dans le traitement des transactions commerciales. Il parlera aussi d'une demande de ligne de crédit auprès de la BEA qui lui avait refusé sans lui en signifier le motif. “Le système bancaire est archaïque. Des clients nous remettaient des chèques qui nous revenaient impayés, deux mois plus tard. Les chèques s'accumulaient à force, et c'est l'une des raisons qui nous ont poussés à voir du côté des privés.” Des traites et de leur paternité, l'accusé affirmera que c'est “Kharroubi Ahmed qui m'a proposé les traites avalisées”. De ses liens avec l'agence BEA Yougoslavie, “Adda Larbi m'a proposé des traites à courte durée (20 jours), et j'étais dans l'obligation d'accepter, alors que les opérations commerciales nécessitent trois à quatre mois pour leur réalisation”. Revenant sur le litige financier qui a éclaté, il dira : “J'avais donné des garanties suffisantes à la BCIA en hypothéquant même le domicile familial comme preuve de ma bonne foi, mais lorsque le litige est survenu, Kharroubi m'a rassuré, une première fois, en m'affirmant qu'il allait régler mes traites avant de se raviser par la suite. Il s'était présenté, plus tard, à mon siège social pour me menacer et m'humilier devant mes employés, et j'ai dû rédiger une lettre le dégageant de toute responsabilité.” Fouatih ajoutera, sur un ton de regrets, qu'il y avait une possibilité de règlement à l'amiable, mais qu'elle a vite été refermée. Le juge abordera le volet des clients en l'interrogeant sur leurs critères de sélection. “Je n'avais aucun critère dans le choix de ces clients, j'avais confiance en eux et on orientait ceux qu'on connaissait vers la BCIA”, répondra-t-il. “Le client ouvre un compte à la banque et récupère les factures pro forma. La BCIA avalisait ensuite les traites”, expliquera-t-il. Le président du tribunal demande alors si “les opérations de vente ne se faisaient pas selon l'accusation”. Le prévenu répond par l'affirmative. Fouatih niera, pourtant, connaître les clients qui ont affirmé signer des traites en blanc contre 10 millions de centimes. “Hormis Bouziane Moulay, un client depuis 92, je ne connais aucun des autres clients qui ont affirmé de telles choses, et je n'ai jamais acheté une signature”, déclarera-t-il. Il ajoutera qu'une facture pro forma ouvrait la voie à six traites avalisées dont cinq signées en blanc. “Une traite couvre l'autre jusqu'à la livraison de la marchandise.” Ahmed Fouatih Belkacem rejettera en bloc et dans le détail les accusations portées contre lui en renvoyant la balle à Kharroubi Ahmed, l'ex-P-DG de la BCIA. Addou Samir, le gérant de la Sarl Sotrapla, qui s'est exclusivement spécialisée dans l'importation du sucre et de la farine depuis 1996, se veut catégorique dans son jugement et accuse, pour sa défense, Kharroubi Ahmed d'être derrière tout ce qui s'est passé. Le président du tribunal citera nommément Selmane, qui a affirmé avoir signé trois traites sans recevoir sa marchandise. Amri Mohamed, d'après le juge, a déclaré que l'accusé lui a ouvert un compte à la BCIA et que lui a signé des traites en blanc en touchant 10 millions de centimes chaque fin de mois de la part de Sotrapla. “Je ne le connais pas, c'est un client de la BCIA”, répondra Addou. D'autres clients citeront, dans leurs dépositions, le nom du prévenu comme étant présent lors de la signature de traites en blanc dans les locaux de la banque en question. Addou Samir niera, pour sa part, tous ces témoignages. SAïD OUSSAD