Au moment où la communauté internationale exerce une grande pression sur l'Iran pour l'empêcher d'acquérir l'arme nucléaire, le président français a minimisé la gravité d'une telle éventualité, provoquant contre lui une attaque en règle de la presse internationale. Même si la Maison-Blanche n'a pas accordé d'importance aux propos du chef de l'Etat français, il n'en demeure pas moins qu'ils ont fait l'objet de critiques virulentes de la part des médias internationaux, dont certains sont allés jusqu'à mettre en doute les capacités de Chirac à gouverner. “Jacques Chirac est-il encore capable de remplir ses fonctions ?” s'est interrogé le quotidien berlinois Tagesspiegel. “Il n'est pas clair s'il pensait vraiment ce qu'il disait avant de revenir sur ses propos pour empêcher un scandale diplomatique. Les dégâts causés sont gros de toute façon. Mais si c'est une gaffe, ce qui est aussi possible, tant Chirac est apparu devant les journalistes fatigué et instable, c'est également pénible pour le président vieillissant”, a ajouté le journal allemand. De son côté, le Financial Times Deutschland est allé jusqu'à écrire que le président français “s'est couvert de honte comme rarement depuis son entrée en fonction il y a douze ans”. En affirmant, lors d'une interview conjointe de l'International Herald Tribune, du New York Times et du Nouvel Observateur le 29 janvier dernier que “le fait d'avoir une bombe nucléaire – peut-être une deuxième un peu plus tard –, bon... ça n'est pas très dangereux”, avant d'ajouter : “Où l'Iran enverrait-il cette bombe ? Sur Israël ? Elle n'aura pas fait 200 mètres dans l'espace que Téhéran sera déjà rasée”, Jacques Chirac a suscité des interrogations sur sa véritable position sur la question, bien qu'il se soit attelé à rectifier le tir vingt-quatre heures plus tard. En effet, le Herald Tribune s'est posé la question “si les remarques initiales de Chirac reflètent ce qu'il pense vraiment de l'Iran. D'après certains responsables français, Chirac serait beaucoup moins précis dans ses entretiens diplomatiques et aurait même dit qu'un Iran possédant l'arme nucléaire risquait d'être inévitable”. Ce journal n'a pas hésité à décrire un chef de l'Etat français distrait, la main “légèrement tremblante”, hésitant sur des noms propres. “Chirac pas troublé par un Iran nucléaire - puis revient en arrière”, ouvrait en une le New York Times. C'est dire le degré de la réaction provoquée par les déclarations du patron de l'Elysée, qui ne s'est pas limitée à la presse seulement. L'opportunité a été inévitablement exploitée par le Parti socialiste français. Ainsi, le conseiller spécial de la candidate socialiste Ségolène Royal, Jack Lang, a qualifié l'incident de “faute impardonnable”. Ceci étant, la Maison-Blanche n'a pas cherché à attiser la polémique, se contentant de faire remarquer que Chirac avait “révisé et développé ses propos”. Enfin, assumant son erreur, le chef de l'Etat français affirmera : “C'est moi qui avais tort et je ne veux pas le contester. J'aurais dû faire davantage attention à ce que je disais et comprendre que, peut-être, j'étais on the record.” Il a cependant maintenu que “si l'Iran possédait une bombe nucléaire et si elle était lancée, elle serait immédiatement détruite avant de quitter le ciel iranien”. K. ABDELKAMEL