Tirant les leçons des scandales, dont l'affaire Khalifa, la DGSN va former un corps d'enquêteurs sur les crimes financiers et économiques. On croyait que cette mission et les compétences y afférentes existaient. Peut-être pas, finalement, ou peut-être pas assez. Mais le risque, lui, a toujours existé. Et le scandale Khalifa, pour être le plus spectaculaire, n'est pas le premier. Au demeurant, il semble, des faits qui se révèlent à mesure que chemine le procès, qu'il n'est point question de défaut de moyens de contrôle. Le premier rapport envoyé par le vice-gouverneur de la banque El Khalifa l'a été en décembre 2001. Durant l'année qui suivit ce rapport fait par des inspecteurs, dont la compétence n'a nulle part été remise en cause, d'autres rapports alarmants ont été établis. Mais l'effet de ces rapports a été annulé par le fait que les inspecteurs en question n'avaient simplement pas été soumis au serment. De mars 2001 à décembre 2002, la commission bancaire était désarmée, le mandat de ses membres étant arrivé à échéance. Pas moyen de prendre ne serait-ce que des mesures conservatoires. C'est durant cette période où les hérésies comptables et bancaires d'El Khalifa Bank ont été constatées que les institutions apparaissent comme ligotées par un certain nombre d'impossibilités procédurales, tandis que l'argent d'organismes publics affluait dans les caisses de la banque douteuse à un rythme subitement accéléré, triplant le montant des dépôts. Le ministre des Finances, seul, a justifié son inertie face au fameux rapport par son manque de perspicacité, en plus de la non-conformité du document. Les actes qui dénoncent l'orthodoxie managériale du groupe Khalifa, les dépenses de sponsoring inconsidérées parvenaient jusqu'au quidam qui observait le taux d'intérêt exagéré appliqué aux dépôts et les dépenses exagérées en matière de sponsoring. En gros, jusqu'à l'intervention des pouvoirs publics à fin 2002, les libertés prises avec les règles de gestion ne se cachaient pas. Il n'est pas sorcier de voir que la comptabilité, si elle existait, reposait, comme il est chaque jour rappelé à l'audience, sur “des bouts de papier”. Des omissions successives ont rendu les institutions inopérantes dans leur mission de vigilance devant une tricherie qui n'a pas beaucoup fait pour se dissimuler. Dans cette affaire, le fonctionnement institutionnel global semble avoir ligoté, pour un temps au moins — un temps crucial — le fonctionnement partiel de toute une suite d'instances chargées de veiller au respect des règles. L'atmosphère créée autour de cette spectaculaire floraison managériale devait probablement étouffer plus d'un doute : l'empressement général autour du gestionnaire prodige avait de quoi dissuader les méfiances isolées. Le procès n'a pas encore tout dit sur ce qui a rendu possible ce système d'escroquerie. Mais il laisse penser que le scandale était institutionnellement possible. Il n'y aurait alors pas seulement des délits et des défaillances à lever, mais aussi à identifier le contexte institutionnel qui les a rendus possibles. M. H. [email protected]