A l'instar de tous les partis politiques agréés, le mouvement El-Islah met le cap sur les élections législatives qui seront organisées dans moins de trois mois. “Nous nous préparons pour ce vote depuis janvier 2006. En parallèle, nous nous organisons pour les élections locales et le congrès du parti, qui aura lieu dès que le Conseil d'Etat rendra son verdict définitif dans l'affaire de la dissidence”, révèle Lakhdar Benkhelaf, député et membre de la direction du Mouvement pour le renouveau national (MRN). El-Islah n'a pas été particulièrement épargné par la série de crises qui a touché de nombreuses formations politiques, dont le FLN au moment où il a tenté de quitter le giron du pouvoir, sous l'instigation de l'ancien Chef du gouvernement Ali Benflis. “La dissidence dont souffre El-Islah est orchestrée par certains cercles qui veulent affaiblir le mouvement. Le parti est pénalisé pour ses actions”, accuse notre interlocuteur. Selon lui, il y a volonté de détruire les partis qui refusent de s'arrimer au “pouvoir”. Il faut croire que depuis qu'il a fait ses premiers pas dans l'activisme politique, au début des années 1970, Abdallah Djaballah et ses partisans, ont vécu des moments de gloire, mais beaucoup de périodes de crise. De la clandestinité, dont ils sont sortis grâce au pluralisme politique décrété à l'orée des années 1990, ils ont replongé dans les turbulences politiques quand les rênes d'Ennahda leur ont échappé des mains à la veille de l'élection présidentielle de 1999, par le fait de Lahbib Adami, avec la bénédiction des autorités. Djaballah, connu pour son radicalisme et ses convictions politiques puisées de la religion, recrée aussitôt le mouvement El-Islah, qui échappe de peu à la détermination du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales de ne plus agréer aucune organisation à caractère politique. Le nouveau parti réussit à écraser son alter ego, Ennahda, en lui ravissant sa place à l'Assemblée nationale à l'issue des législatives du 30 mai 2002. Il reprend alors son vieil habit d'opposant islamiste dans les travées de la Chambre basse. Mais la tumultueuse élection présidentielle de 2004 est à peine passée que le parti renoue avec la crise. Cette fois-ci, ce sont des députés et membres influents du Madjliss Echoura (conseil consultatif) qui tentent d'arracher le parti de la dominance de Djaballah. Un remake du putsch mené par Lahbib Adami cinq ans plus tôt. Les frondeurs réussissent à fédérer, autour de leur démarche, cadres et militants. Un précongrès est organisé afin de faire émerger une nouvelle direction. La justice est saisie. Elle donne, le 12 juin 2006, raison aux dissidents en bloquant les avoirs du parti et en gelant les activités politiques de son président. Ce dernier introduit un recours en référé contre cette décision de justice. Le 3 octobre dernier, le Conseil d'Etat rend un avis favorable à la requête et lève le gel le compte bancaire du mouvement. “Nous attendons la dernière décision du Conseil d'Etat sur le recours relatif à l'annulation pure et simple de l'arrêt du 12 juin”, indique M. Benkhelaf. Il informe que des poursuites judiciaires sont d'ores et déjà engagées auprès des tribunaux Abane-Ramdane et Chéraga, contre les insubordonnés pour diffamation et tenue d'un congrès illégitime. “La procédure n'a pas abouti, car ils bénéficient de l'immunité parlementaire, qui sera levée à la fin de l'actuelle législature, en mai 2007”. Cet énième épisode de tentative de scission semble avoir donné à réfléchir aux responsables du MRN, lesquels infléchissent quelque peu leur position par rapport au pouvoir en place. Premier signe apparent d'une volonté d'intégrer le gouvernement. “Quand les conditions seront réunies, nous participerons, sans problème au gouvernement”, soutient M. Benkhelef. Il rappelle que le parti contribue déjà à la gestion des affaires de l'Etat au niveau local (contrôle de 55 communes et de l'APW de Skikda) et est présent à l'APN avec une trentaine de députés. Reste le gouvernement. “Si on nous en fait l'offre, nous l'étudierons en toute objectivité. Jusqu'à présent, on ne nous a jamais fait de propositions dans ce sens. Mais nous voulons une participation à la prise de décision et non pas à une société par actions, comme le font plusieurs partis”, précise notre interlocuteur. Il ajoute que la configuration de l'Exécutif doit refléter les résultats des législatives. Le ministre doit avoir, par ailleurs, de grandes prérogatives en matière de gestion du département dont il a la charge. Le cadre d'El-Islah explique que son parti s'engage dans “une opposition constructive. Nous ne sommes pas nihilistes”. À ce titre, il adhère à certaines initiatives du président de la République, telles que la Charte pour la réconciliation nationale, et s'oppose à d'autres projets. Il fait, toutefois, la même analyse que beaucoup de politiques sur l'opposition. “Elle est trop faible”. S. H.