Deux tendances se disputent le contrôle du parti et s'opposent sur le devenir qu'il conviendrait de lui programmer : se maintenir dans le radicalisme, ou au contraire tenter une incursion dans les institutions de l'Etat. Depuis le décès de son leader historique, El-Hachemi Chérif, à la fin de 2005, le MDS (Mouvement démocratique et social) a quelque peu du mal à trouver ses marques et surtout un dirigeant qui ferait l'unanimité autour de sa personne. Ce parti, réputé avoir été réfractaire jusqu'au nihilisme à toute entreprise initiée par les pouvoirs publics, fait face à des divergences internes sur une question, qui a constitué par le passé sa force de cohésion : la participation ou non aux prochains rendez-vous électoraux. Deux tendances, l'une pilotée par Ali Hocine et l'autre drivée par Ahmed Meliani, s'affrontent à ce propos. “Le boycott prôné par le MDS à partir de 1991 était justifié. Aujourd'hui, l'islamisme a reculé. Il ne peut plus prétendre changer la nature de l'Etat. Donc, il ne faut plus se cacher derrière cet argument pour refuser d'aller aux élections”, estime Ali Hocine. Il raconte qu'El-Hachemi Chérif avait rédigé, quinze jours avant son décès, un document dans lequel il a recommandé de se préparer aux élections. Une décision qui est motivée, explique notre interlocuteur, par l'impératif d'impliquer le MDS dans une dimension politique plus dynamique. “Le MDS constitue la seule alternative au système. Dans un document intitulé : “Pour le changement démocratique moderne par la voie de la transition”, nous avions identifié les tâches et les forces aptes à les réaliser”, informe Ali Hocine. Evidemment, Ahmed Meliani est d'un avis différent. “Participer aux élections dans les conditions actuelles du pays est un non-sens.” Il ajoute que l'autre groupe pense que “le processus du président Bouteflika mène vers un tunnel, alors que nous estimons qu'il ne peut aboutir que sur une impasse” . L'autre point d'achoppement entre les deux groupes est, en effet, des appréciations opposées sur le pouvoir. “Nous pensons que le pays change au plan économique, mais il ne change pas comme nous le souhaitons et le souhaite la société. C'est ce que nous qualifions de despotisme néolibéralisme”, note Ali Hocine. De son côté, Ahmed Meliani affirme : “Nous sommes face à un pouvoir qui marginalise toutes les forces socioéconomiques, capables d'opérer des changements dans le pays. Il veut parvenir à une configuration de la classe politique passible, qui ne remet pas en cause ses intérêts étroits et qui ne se pose pas en alternative.” Au-delà de leur différence de points de vue, les deux groupes ne semblent pas résolus à prendre en otage le parti et à compromettre son existence. “Nous nous efforçons à organiser un congrès unitaire, qui trancherait ces problèmes de division”, déclare Ali Hocine. L'essentiel, à son regard, est de transcender la crise sans exclusion. “Dans un parti, le débat contradictoire est à encourager. Mais il ne faut pas qu'il soit source de freinage et d'exclusion”, soutient-il. Récemment, le groupe d'Ali Hocine organise des assises, pour lesquelles ont été conviés des représentants de toutes les fédérations. “Nous n'avons pas la velléité de tenir un congrès parallèle, mais de créer des espaces d'expression. D'ailleurs, l'autre tendance est invitée à participer à cette rencontre.” Il précise que c'est aux militants de trancher entre deux options : soumettre au congrès avec deux textes et deux listes, ou voter sur un document commun. Ahmed Meliani dit, pour sa part, ne pas reconnaître les assises de ce jeudi. “L'autre groupe procède de façon pseudo-démocratique”, accuse-t-il. Lui et ses compagnons exigent que tout le monde participe au congrès avec la qualité de congressiste, et non pas en tant que courant. Quoi qu'il en soit, ce rendez-vous organique est prévu pour les 22 et 23 février prochain. La tendance, qui réussira à fédérer autour des ses options la majorité des participants, aura le dernier mot. Bien des cadres du mouvement semblent vouloir éviter de tomber dans le piège d'une scission profonde, dont ont souffert — souffrent encore — d'autres partis politiques. “Je préfère que le MDS disparaisse que de voir le pays imploser. Notre rôle est d'attirer l'attention de l'opinion publique sur les dangers que court l'Algérie. Alors tomber dans un débat de pacotille sur une participation ou non aux élections est ridicule”, note Ahmed Meliani. De son côté, Ali Hocine affirme qu'il est urgent de revivifier un courant démocratique, sérieusement affaibli. “Les démocrates ne sont pas toujours démocrates. C'est ce qui compromet le projet démocratique en Algérie”, regrette-t-il. Il reconnaît que l'opposition est aussi victime d'une attitude répressive du pouvoir. “Une autorisation de tenir une rencontre dans une salle publique nous est systématiquement refusée. Dernièrement le procureur général a requis 3 ans de prison ferme pour deux militants, qui collaient des affiches contre la Charte pour la paix et la réconciliation nationale…” Ils ont été condamnés finalement à 6 mois de prison avec sursis et à payer, chacun, une amende de 5 000 DA. À partir de là, il estime qu'il serait injuste de “reprocher aux partis de ne pas être continuellement présents sur la scène politique”. S. H.