Le procès de la BCIA est entré dans son 6e jour. Le nom des absents est revenu trop souvent dans les débats de ces derniers jours, ce qui a fait réagir Me Gouadni, le défenseur de Selmane Abderrahmane, l'un des premiers accusés appelé, hier, à la barre. “Depuis tout à l'heure, mon client parle de Mohamed Ali (le fils du P-DG de la BCIA), et je pense que sa présence est obligatoire dans cette affaire”, interviendra-t-il, entre deux réponses de son mandant. L'avocat reviendra, plus tard, sur cette question dans une déclaration à Liberté en s'interrogeant sur les raisons qui ont poussé au déroulement de ce procès, alors que la Cour suprême n'a pas encore statué sur quatre pourvois en cassation. “Pour l'affaire de Khalifa ou celle de l'ancien wali d'Oran, Frik Bachir, il y avait des pourvois en cassation au niveau de la Cour suprême, et les procès n'ont débuté qu'après que cette dernière eut statué sur les dossiers en suspens, alors qu'à Oran tout le monde sait qu'il y a pourvoi et que les personnes ne peuvent de ce fait être jugées, mais on a décidé la tenue du procès”, déclarera-t-il. Selmane Abderrahmane, dont le nom a été cité les premiers jours du procès, est grossiste de son état. Il a été qualifié par Addou Samir, le gérant de la Sarl Sotrapla, de l'un des plus gros clients de la boîte. Selmane est accusé de complicité de dilapidation de 400 milliards de centimes. “L'expertise dit que j'ai pris 400 milliards, 200 milliards ou dix dinars, moi je dis que je n'ai rien pris”. Le prévenu fera des révélations concernant un gradé de la police, qu'il citera nommément, et qui lui aurait conseillé de fuir le jour de son arrestation. “Quand l'affaire de la BCIA a éclaté, j'ai été entendu par la brigade économique et financière d'Oran. Un jeudi alors que je devais être auditionné l'après-midi, j'ai rencontré…, il m'a dit de fuir comme l'ont fait les autres parce que j'allais être arrêté dans la journée. Je n'avais pas à fuir car je n'ai rien à me reprocher”, expliquera-t-il. Il reviendra également sur l'affaire des traites avalisées en affirmant qu'en août 2003, il avait rencontré, en compagnie de Arjoun Miloud, l'ex-directeur de l'agence BEA de Sig, Kharroubi Mohamed-Ali, le directeur régional de la BCIA, au siège de la banque, et ce dernier leur avait certifié qu'un arrangement allait être trouvé incessamment. Interrogé par son avocat sur Reffas Lahcène et sa prétendue non-existence, l'inculpé répondra que lors de son interrogatoire, on lui a fait signifier que Reffas n'existe pas. “Je leur ai donné alors toutes les coordonnées de Reffas et je me suis même déplacé avec eux jusqu'à Chteïbo”, précisera-t-il. L'avocat se tourne alors vers le banc des accusés en désignant un des inculpés. - “C'est ce Reffas dont il s'agit ?” - “Oui, il est là”. Des procurations que lui ont signées Merabti Hadj et Reffas Lahcène, il dira qu'elles étaient d'ordre général et qu'elles lui ouvraient droit à toutes sortes de transactions bancaires. Selmane réfutera, sur sa lancée, l'expertise qu'il juge coupable d'avoir compté et les traites et les chèques pour donner un tel montant, alors que la BEA pouvait être renflouée avec les bons de caisse détenus par le liquidateur. De cette expertise, la défense tentera de comprendre si elle englobait les comptes gelés de son client au niveau de la BEA et les saisies-arrêts réalisées au profit de la même banque. Le représentant du ministère public interrogera l'accusé sur les déclarations de Merabti, l'un des deux opérateurs à avoir signé une procuration à Selmane, qui a reconnu avoir été approché par lui, en contrepartie d'une somme de 700 millions de centimes pour affirmer, devant les enquêteurs, qu'il était au courant de tous les mouvements opérés sur son compte et qu'il était responsable de toutes les transactions commerciales effectuées. Selmane répondra que c'est Merabti qui l'a approché en prison pour lui soumettre l'idée d'endosser toutes les responsabilités contre 700 millions de centimes. Merabti voulut intervenir, mais il est vite rappelé à l'ordre par le juge. De sa relation avec Sotrapla, Selmane dira que le directeur régional de la BCIA lui remettait des traites pour travailler exclusivement avec Addou. “Je les trouvais toujours ensemble”, ajoutera-t-il. “220 milliards de centimes est le montant des traites que m'a remises Kharroubi et une partie d'entre elles ont été avalisées ; il m'a ouvert une ligne de crédit au profit des achats de sucre effectués auprès de Sotrapla”. Sahraoui Mohamed, grossiste lui aussi, est poursuivi pour complicité de dilapidation de 95 milliards de centimes. Son audition est à calquer sur les précédentes où il affirme avoir reçu des traites avalisées par la BCIA pour travailler avec Sotrapla. Guitti Saâd, grossiste à Alger, appelé à la barre reviendra sur ses déclarations faites devant le juge instructeur où il prendra tout en charge, affirmant être responsable de ses actes. Le procureur l'interrogera sur la raison de tels propos alors que devant la barre, il nie connaître ce qui s'est passé. “C'est Haddad Yacine qui m'a demandé de faire une telle déposition pour qu'il soit remis en liberté, et une fois dehors, il allait tout régler”, répondra Guitti. Cet accusé avait signé une procuration à Haddad Yacine qu'il a connu à Alger et qu'il lui a conseillé d'étendre ses activités à l'est et à l'ouest du pays. Des mouvements de fonds ont été réalisés sur le compte de Guitti à son insu et portant sur près de 32 milliards de centimes. SAID OUSSAD