Très touchée par la taxe sur les profits exceptionnels, la compagnie américaine Anadarko met la pression sur Sonatrach, brandissant la menace de recourir à l'arbitrage international. Une bataille juridique s'annonce. Dans un communiqué rendu public hier à partir de Houston, la société américaine Anadarko alerte ses actionnaires et l'opinion publique qu'elle entame une procédure de litige, conséquence de la publication des règlements relatifs à la mise en œuvre de la nouvelle taxe sur les profits exceptionnels. Plus précisément, cette compagnie considère que cet impôt remet en cause une clause du contrat de partage de production signée en 1989 entre Sonatrach et Anadarko Petroleum Corporation. “Nos biens algériens sont exploités en vertu d'un contrat de partage de production qui contient une clause de stabilisation dont l'objet est de protéger nos investissements existants et la valeur relative des biens. Bien que nous enregistrions l'impact estimé de cette taxe dans les comptes du quatrième trimestre, nous attendons recevoir un allégement par le biais de la disposition de stabilisation une fois sa validité reconnue dans un accord de règlement ou par le processus d'arbitrage international”, a indiqué Jim Hackett, chairman, président et CEO d'Anardarko, lit-on dans le communiqué. Anadarko est donc entrée en litige avec Sonatrach. Le différend est explicitement évoqué : “Nous croyons que l'inviolabilité de la disposition de stabilisation de notre contrat sera confirmée conservant ainsi la valeur de nos biens en Algérie. Bien que nous nous attendions à un résultat favorable à ce litige, il nous faudrait patienter peut-être un an avant que sa résolution définitive soit prononcée”, ajoute le patron d'Anadarko. La compagnie américaine prévoit un délai d'un an pour que ce différend soit réglé. Elle entrevoit un possible accord avec Sonatrach pour régler ce litige avant d'envisager le recours à l'arbitrage international. Le communiqué met en avant le fait que cette compagnie a annoncé, hier, qu'elle fera une provision de 100 millions de dollars dans ses comptes du quatrième trimestre de 2006, suite à la promulgation en décembre des règlements relatifs à la mise en application de la nouvelle taxe algérienne sur les profits exceptionnels. La taxe s'appliquerait lorsque le prix moyen du brut dépasserait 30 dollars le baril. Anadarko y présente aussi une évaluation de ses dépenses liées au paiement de cette taxe. “Ces frais du quatrième trimestre représentent une estimation de l'engagement financier d'Anadarko dans le cadre de la taxe sur les profits exceptionnels à compter du premier août 2006, basée sur l'hypothèse que la taxe s'appliquerait uniquement à une valeur de la production supérieure à un prix de 30 dollars US. À partir de 2007, supposant un prix moyen du baril de 60 dollars, Anadarko prévoit une dépense annuelle de 225 millions de dollars. Si la taxe s'appliquait à la valeur totale de la production, plutôt qu'à la valeur dépassant un prix du baril de 30 dollars, la dépense annuelle serait deux fois plus importante sur la base d'un prix du baril à 60 dollars. Il est incertain que la perception et l'allégement de la taxe soient résolus in fine. Sonatrach a indiqué qu'“elle commencera à percevoir la taxe en cours et antérieure au mois de mars 2007, en retenant une portion des barils auxquels Anadarko a droit”. Ainsi, Anadarko va provisionner pour prévenir le risque qu'elle va payer beaucoup plus en termes de taxes sur les profits exceptionnels, ce qui pourrait affecter son bilan. Elle considère que le texte relatif à l'application de cette taxe est ambigu. La taxe s'applique-t-elle à la valeur dépassant un prix du baril de 30 dollars ou à la valeur totale de la production ? Les compagnies étrangères attendent de nouvelles clarifications Les compagnies étrangères associées attendent des éclaircissements de Sonatrach, voire du ministère de l'Energie. Certaines chuchotent qu'elles pourraient se retirer, voire geler leurs investissements, si de nouvelles clarifications ne sont pas apportées. Anadarko, dans son évaluation de l'impact de cette taxe, aborde ses investissements futurs. “En ce qui concerne ses investissements futurs actuellement, Anadarko possède environ 110 millions de barils de réserves prouvées inexploitées. Il n'y a pas de révision de ces réserves, associée à la mise en application de la taxe dans la mesure où l'hypothèse est que la taxe s'appliquerait uniquement à une valeur de production supérieure à un prix du baril de 30 dollars. Pendant que la procédure de litige progresse, Anadarko continuera de réexaminer l'impact du régime fiscal sur ses plans de développement à l'avenir et les réserves y associées, le cas échéant”. En d'autres termes, Anadarko continuera d'évaluer la rentabilité de ses investissements futurs à la lumière de l'impact de cette taxe. Ce qui veut dire qu'elle se prononcera sur ses investissements futurs une fois que cette évaluation sera effectuée et qu'une issue soit trouvée au litige. Le message est au premier chef adressé aux actionnaires d'Anadarko, pour les prévenir d'une éventuelle baisse des revenus de la compagnie. À Anadarko Algérie, le ton est plutôt à la prudence. “Il n'est pas question de geler les investissements d'Anadarko en Algérie. Nous poursuivons le développement de nos investissements”, affirme le numéro 2 d'Anadarko Algérie, M. François Gauthier. Quant à la réaction de cette compagnie sur les amendements à la loi sur les hydrocarbures, même son de cloche que chez les associés de Sonatrach : l'Etat algérien est souverain, soutient le patron d'Anadarko Algérie, M. Holmes. À noter que la compagnie américaine Anadarko dont les intérêts pétroliers en Algérie sont les plus importants est la plus touchée par cette taxe. “L'Etat algérien va écrémer 50% de notre part de production : 60 000 barils/jour de pétrole”, indique Anadarko. En 2005, elle a transféré à l'étranger 20% environ de l'ensemble des rapatriements de tous les associés. Ce qui est énorme. N. Ryad