Celio, Levis, Etam, Exit, Actua, Complice, Adidas, Geox, Tatou, Zara, Kiabi, Puma… Les différentes marques de prêt-à-porter et de chaussures, leaders de l'habillement femmes, hommes et enfants, arrivent en Algérie, offrant du coup aux consommateurs une alternative aux produits “Taïwan” qui inondent le marché. En dépit d'un pouvoir d'achat moyen, les Algériens dépensent sans compter pour être in et bien se saper. En quête de la bonne qualité ou simplement pour la frime, de nouveaux modes de consommation se sont installés chez les Algériens avec l'ouverture du marché. La marque fait la différence pour beaucoup. Nafnaf est la dernière marque de prêt-à-porter à arriver sur la place d'Alger. Une belle boutique, qui n'a rien à envier à ses semblables parisiennes, orne depuis quelques jours le boulevard Mohamed-V avec une vitrine attirante et une enseigne en noir et blanc qui ne trompe pas. Depuis le premier jour, l'espace ne désemplit pas. Entre acheteuses et curieuses, c'est un défilé permanent. Un personnel accueillant veille à l'orientation des clientes pour une gamme d'articles assez large à différentes bourses. La boutique a été ouverte dans le cadre de la franchise, nous apprend la gérante, sans donner plus de détails, la propriétaire étant absente. “C'est une très bonne chose que des marques connues s'installent en Algérie. Il était grand temps pour que nous puissions enfin avoir le choix aussi bien pour les prix que pour la qualité. Et puis, le cadre est très agréable”, fait remarquer une cliente. Fini le diktat des trabendistes Fini les années de privations et du diktat des trabendistes qui, il y a quelques années encore, imposaient leurs choix des modèles et des prix. Fini aussi les vitrines austères, les nouvels arrivés imposent de nouvelles normes et une concurrence sans merci. Des magasins spacieux dont la superficie est généralement supérieure à 200 m2, des concepts de décor répondant à la marque représentée avec de grandes devantures alléchantes et surtout une garantie de qualité, dont on ne pouvait être certains il y a quelque temps. Et même si les prix affichés sont généralement trop élevés, la majorité des Algériens ne peut s'empêcher de profiter de cette qualité garantie qui a nous tant fait défaut. À Didouche-Mourad, à El Biar ou à Sidi Yahia, les commerçants se disputent une clientèle d'un niveau socioéconomique très hétéroclite. “Il serait illusoire de croire que seules les gens aisées se permettent des articles et des produits de marque. Les jeunes dépensent sans aucune restriction, et ce n'est pas un fait nouveau. Il se trouve qu'aujourd'hui, ils ont plus de choix avec l'installation des différentes marques en Algérie. Ce qui leur a permis d'être de plus en plus exigeants, la concurrence entre les différentes marques leur assure un plus d'accessibilité”, dit le gérant d'une boutique de vêtements pour hommes. Il faut dire que 5 000 DA (la moitié du smig) pour un Levis et autant pour une paire de chaussures de sport, nos jeunes ne lésinent pas vraiment sur les moyens. D'aucuns ne peuvent nier l'intérêt prononcé par Algériens pour la mode et les grandes marques, et ce quel que soit leur niveau de vie. Et pour s'en rendre compte, il suffit de s'attarder sur tous les hitistes qui, en dépit de leur amère situation, affichent un look bien soigné. Comment y arrivent-ils ? Cela est une autre question. Les adolescentes dépensent plus que les Européennes La Fashion victime, la gent féminine est le cœur de cible des différentes marques de vêtements qui arrivent. Si les statistiques indiquent que les jeunes de 12 à 25 ans en sont les plus sujettes, chez nous le phénomène est clairement apparent même en l'absence d'une étude du marché. Tout commence avec la petite marque Kiabi, quelques magasins sur la place Audin, Kouba, Chéraga, Aïn Benian, Mohammadia… toutes les bourses trouvent leur compte. Mais d'autres marques plus “prestigieuses” ne vont pas tarder à capter l'attention des Algériennes. Actua, une marque française peu connue en Algérie, vient offrir une gamme de vêtements qui séduit immédiatement. Une grande vitrine sur la très commerçante rue Didouche-Mourad ne laisse pas les mordues de la mode indifférentes. D'autres marques viendront se greffer au paysage commerçant de la capitale, Etam, Exit, Tatou, Zara, Levi's… Les Algériennes, les adolescentes en particulier, dépensent autant si ce n'est plus que les Européennes qui consacrent plus de 800 euros aux fringues. Et l'arrivée de toutes ces marques de prêt-à-porter n'est que la bienvenue. Sidi Yahia, l'autre quartier chic… Rares sont ceux qui se souviennent du no man's land que fut l'endroit il y a encore quelques années. Difficile d'ailleurs de se le remémorer au vu du changement radical qu'a connu le quartier situé entre Hydra et Bir Mourad Raïs. La vocation marchande de Sidi Yahia n'est plus à démontrer, car du bas de Hydra jusqu'à l'entrée de Bir Mourad Raïs c'est une infinie chaîne de magasins qui accueillent le visiteur. Un nombre incalculable d'enseignes et d'espaces aussi attirants les uns que les autres pour accueillir comme il se doit une clientèle assez exigeante. En quelques années seulement, Sidi Yahia s'est fait la réputation d'un des quartiers les plus huppés de la capitale. Car si les nantis d'Alger se bousculent à l'entrée des supErettes Galaxie et Opéra de Dely Brahim pour faire les emplettes du week-end, c'est ici qu'on vient pour prendre un pot, discuter et faire un “break” agréable après une matinée ou une journée de travail assez chargée. À Sidi Yahia, la mode “coffee shop-pizzeria” prime. Certaines adresses, des restaurants sympas, sont tout indiqués pour discuter business ou simplement passer un bon moment entre copains. Et si la restauration est un commerce prospère ici, comme un peu par tout dans la capitale d'ailleurs, d'autres formes de négoce sont aussi florissantes. On y trouve un peu de tout, de luxe bien sûr, meubles, grandes marques d'électroménager, des articles de décoration et bien sûr une enseigne Nokia, qui domine un grand immeuble pour traduire la frénésie des Algériens pour la téléphonie mobile. Sidi Yahia c'est aussi un grand bazar où se côtoie un grand nombre de marques étrangères de prêt-à-porter féminin et masculin récemment arrivées sur le marché algérien. La franchise est une formule qui réussit bien à tous ces commerçants qui ont bien compris que pour vendre il faut bien cibler sa clientèle. Car l'objectif de toucher un maximum de monde ne semble plus être le souci des gérants, qui ont choisi de s'installer à proximité des plus nantis. Ici on ne s'inquiète pas du combien ça coûte pour peu que l'on éprouve l'envie de dépenser. Celio, Etam, Exit, Tatou… des enseignes de différentes colories se disputent l'attention d'une clientèle high standing. D'interminables files de voitures de marques sont garées des deux côtés de la route. “Notre clientèle est composée essentiellement de personnes au pouvoir d'achat assez élevé. C'est une clientèle assez aisée qui veut s'offrir le meilleur. Et nous faisons en sorte de répondre à ses besoins, pour ne pas dire désirs de cette dernière", confie une vendeuse. Mais Sidi Yahia n'est pas seulement une zone pour les franchisés. Si des marques sont légalement installées, ce n'est pas une raison pour que le marché de l'informel disparaisse du jour au lendemain. En effet, une série de boutiques proposent des vêtements de marques françaises, anglaises et espagnoles. Le commerce de cabas a apparemment encore de beaux jours devant lui. Des prix vertigineux pour des marques La non-convertibilité du dinar et l'inégalité du pouvoir d'achat des Algériens, au regard des disparités qui se dessinent dans la société, sont les deux facteurs déterminants de la politique de prix pratiquée par les nouveaux arrivés. Et si la cherté de certains articles et certaines marques est justifiée par moment, elle ne répond à aucune logique commerciale assez souvent. Sinon comment expliquer les prix affichés dans beaucoup de boutiques. À titre d'exemple, s'il est assez logique qu'un pantalon Levis, une robe Nafnaf, ou encore une jupe Kookai se cotent entre 4 000 et 6 000 DA, comment expliquer, cependant, qu'un ensemble de sous-vêtement Etam soit proposé à 6 000 DA, avec possibilité de fractionner le prix en deux. “Vous pouvez prendre le haut ou le bas”, nous proposent les vendeuses. Exagérés pour les marques disponibles, les gérants exposent souvent l'argument de la dévaluation de la monnaie locale, des prix de location exorbitants, notamment dans ce coin qui, en quelques années, est devenu l'un des plus commerçants de la capitale, et surtout le pouvoir d'achat d'une clientèle qui se soucie peu du prix. Dépassant le seuil de 2 000 DA l'article, pour des marques françaises, italiennes, espagnoles, ou anglaises… les prix dans les autres commerces restent toutefois trop élevés par rapport au niveau de la majorité des citoyens. Si la marque garantit la qualité du produit, elle est souvent liée à l'argent fou et exorbitant que certains Algériens n'hésitent pas à dépenser. Cette cherté des produits, souvent injustifiée, poussera beaucoup d'Algériens à se rabattre sur les articles chinois, syriens ou turcs qui, eux, sont accessibles à toutes les bourses. Un pouvoir d'achat en baisse contre une consommation en hausse Alors que tous les indices font état de la baisse du pouvoir d'achat des Algériens, les augmentations salariales étant accompagnées d'augmentation de l'électricité, du gaz, de l'eau et autres produits de large consommation, les modes de consommation des Algériens ont plutôt tendance à évoluer. En l'absence d'études et de statistiques officielles en rapport avec les modes de consommation des Algériens l'évolution est très apparente, encouragée par l'accès des ménages au crédit à la consommation. Selon les estimations de la Banque mondiale, la consommation algérienne pour l'année 2004 est évaluée à 41,4 milliards de dollars, avec une moyenne de 868 dollars par habitant. Soit une augmentation de 13 % par rapport à 2003. Selon les statistiques algériennes, en 2000, la dépense moyenne annuelle s'élève à environ 575 euros par tête et à 3 805 euros par ménage. Un ménage algérien comprenant en moyenne 6,5 personnes. 10% des ménages les plus favorisés concentrent le tiers des dépenses, et les 30% les plus favorisés plus de 60%. Environ 500 000 ménages consomment ainsi pour plus de 850 000 DA (environ 11 000 euros) par an. En milieu urbain, plus de 1,7 million de personnes dépensent chacun 140 000 DA (1 780 euros). La part prédominante des dépenses est consacrée à la consommation alimentaire, 45,1 % en milieu urbain ; 43,7% en milieu rural. Le deuxième poste est le logement (entre 13% et 14%). Selon le même rapport, le Ramadhan est l'une des principales périodes de dépenses pour les ménages algériens, principalement sur les postes de l'alimentation et de l'habillement. Les marchés, y compris informels, jouent un très grand rôle dans l'approvisionnement quotidien des ménages, en l'absence de réseaux de distribution. Il est également souligné que les Algériens souhaitent pouvoir disposer de gammes diversifiées de produits de qualité internationale et, dans le même temps, vendus à des prix abordables, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Sur les cinq dernières années, les secteurs de grande consommation qui ont connu les plus fortes progressions sont l'agro-alimentaire, l'automobile et la téléphonie mobile. W. L. Lire toute l'enquète en cliquant ici