C'est sous les lambris dorés de la salle d'audience du tribunal criminel d'Oran que s'est poursuivie, hier, la neuvième journée de l'affaire de la BCIA où sont impliquées 57 personnes, dont 43 sont présentes dans le box des accusés. Premier à être appelé à la barre et 30e accusé, Ibedri Mohamed. Il répond aux questions du président qui l'interroge sur son rôle joué dans cette affaire de dilapidation de deniers publics de l'ordre de 1 230 milliards de centimes. L'accusé affirme ignorer tout des tractations menées par son ami Zitouni Fayçal, lequel lui a promis de gagner beaucoup d'argent en travaillant dans le licite. Le président du tribunal invite l'accusé à être plus explicite dans ses déclarations à la cour. “C'est mon ami Zitouni Fayçal qui m'a convaincu de travailler pour Sotrapla, une société dirigée par Addou Samir. J'ai tout de suite accepté cette offre, car à cette époque, j'étais désargenté et j'avais besoin d'argent pour subvenir aux besoins de ma famille”, affirme l'accusé. Pressé par le président de préciser sa pensée, Ibedri Mohamed a déclaré avoir obéi à Zitouni Fayçal qui lui avait demandé de s'inscrire au centre du registre du commerce. “Mais c'est le gérant de la société Sotrapla qui m'a demandé d'ouvrir un compte bancaire à la BCIA, peu de temps après, Zitouni Fayçal m'a prié d'établir un registre du commerce avec comme activité commerciale les cosmétiques contre une somme de 10 000 dinars. Je me suis exécuté tout de suite”, affirme l'accusé. Propriétaire d'une petite échoppe qu'il gère à Tlemcen où il vit et travaille, Ibedri Mohamed répond au président qui l'interroge sur l'origine de l'argent encaissé. “Pourquoi avez-vous ouvert un compte bancaire à Oran ? Saviez-vous que vous avez signé pour plus de 9 milliards de centimes de traites avalisées”, ajoute le président à l'endroit de l'accusé. Celui-ci réplique qu'il reconnaît sa signature, mais ignore les montants d'argent qui ont été retirés à son insu. Enfonçant davantage le clou, Ibedri Mohamed charge Zitouni Fayçal qu'il accuse à son tour d'être à l'origine de cette machination. “C'est Zitouni qui me faisait signer des traites en blanc. Je ne savais pas que cette opération allait déboucher sur une marchandise estimée à plus de 8 milliards de centimes”, plaide l'accusé. Il déclare avoir reçu “en tout et pour tout” la somme d'argent de 8 millions de centimes, dont cinq provenant de Zitouni et trois autres de Mimouni Sid Ahmed. Appelé à son tour à la barre, Bengadi Ahmed, ancien directeur général de l'agence de la BCIA à Alger, déconstitue de prime abord deux de ses cinq avocats. Il explique au juge le lien de parenté liant l'avocat Kharroubi Abderrahim à l'ancien P-DG de la BCIA en fuite, comme il dénie le droit à Me Benaïcha de prendre sa défense. Brouhaha dans la salle et vociférations des avocats qui s'indignent. Me Kharroubi fait son entrée dans la salle d'audience sur une chaise roulante. “Ce qui se passe ici est honteux", s'écrie-t-il. C'est la mêlée générale. Le président appelle l'assistance à l'ordre avant de lever la séance pour 15 minutes. Le calme revenu, le juge annonce la clôture de l'incident et invite Bengadi Ahmed à poursuivre sa déposition. En poste en qualité de directeur général de la BCIA à Alger, l'accusé est rompu aux rouages de la banque. “J'ai été contacté par mon ami Damerdji Mourad qui m'a mis en relation avec Kharroubi Ahmed, le patron de la BCIA. Le 21 avril 1999, j'ai pris mes fonctions en prenant le soin d'organiser et de hiérarchiser les services de la BCIA à Alger. Je ne touchais jamais aux crédits pour la simple raison que c'est une tâche dévolue au conseil du crédit qui prenait toutes les décisions en ce qui concernait les traites avalisées”. Néanmoins, l'accusé n'a pas manqué de souligner le caractère pernicieux de la gestion des autorisations de crédit. “Sur une liste de 30 autorisations de crédit, aucun nom de clients n'y figurait, c'est à croire que c'était délibéré. Je ne savais pas qu'il pouvait exister d'autres clients en dehors de Sotrapla”, affirme Bengadi Ahmed. B. GHRISSI