En acceptant de faire des concessions à Pyongyang pour désamorcer la crise nucléaire, George Bush, qui a aussi affirmé privilégier encore le dialogue avec Téhéran dans le même domaine, semble modifier radicalement sa manière de traiter avec les pays de ce qu'il appelle “l'axe du mal”. Un accord sur l'arrêt des activités nucléaires de la Corée du Nord a été conclu entre les délégués présents aux pourparlers à six sur l'aide énergétique qui sera accordée à Pyongyang. L'accord, qui a été rendu public hier et annoncé dans le courant de la journée, constitue la première étape de la dénucléarisation de la Corée du Nord. Ainsi, Pyongyang s'est engagée à commencer à démanteler son arsenal atomique, notamment son principal réacteur nucléaire, en échange d'une aide énergétique. Elle procédera à la fermeture de l'installation nucléaire de Yongbyon, qui produit du plutonium utilisable à des fins militaires et elle autorise par ailleurs les experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) à mener des inspections. En échange, la Corée du Nord devrait recevoir un million de tonnes de pétrole et un million de kilowatts d'électricité en échange du démantèlement de son programme nucléaire militaire, a indiqué la chaîne de télévision américaine ABC. Cet accord n'a pas été du goût de nombreuses personnalités américaines, à l'instar de l'ancien représentant permanent des Etats-Unis à l'ONU, John Bolton, a estimé que le régime communiste ne devrait pas être récompensé par “d'énormes livraisons de pétrole”. Selon lui, “cela envoie exactement le mauvais signal à tous les Etats qui souhaitent se doter de l'arme nucléaire à travers le monde”. Il est allé jusqu'à dire : “J'espère que le président n'a pas été encore entièrement informé sur cet accord et qu'il est encore temps de le rejeter.” Nonobstant cette virulente critique, l'accord traduit une évidente volonté de l'Administration Bush de modifier sa politique vis-à-vis des pays qu'elle appelle “l'axe du mal”. En effet, outre ces concessions faites au régime de Kim Jung Il, le président américain a réfuté avoir l'intention de faire la guerre à l'Iran. “Ma réaction à tout ce bruit, vous savez, comme quoi "il veut faire la guerre", c'est que, pour commencer, je ne comprends pas la tactique poursuivie, et je crois que je dirais que c'est politique”, a-t-il notamment déclaré. Dans un entretien accordé à la chaîne télévision C-Span à la Maison-Blanche, Bush a affirmé qu'il existait toujours une chance de résoudre la crise du nucléaire iranien par la diplomatie. Pour donner davantage de crédit à ses propos, il a ajouté : “Le peuple iranien est un peuple bon, honnête et décent qui a un gouvernement belliqueux, menaçant, qui parle fort et fait du bruit, un gouvernement qui défie le reste du monde et dit "nous voulons l'arme nucléaire"”. Pour clore le sujet, le locataire du bureau ovale dira : “Notre objectif est donc de maintenir la pression pour que des gens raisonnables prennent la parole et disent que cet isolement n'en vaut pas la peine.” Ce changement de position vis-à-vis du régime des mollahs ne peut s'expliquer que par une volonté de sortir du bourbier irakien, dont la solution se trouverait entre les mains de Téhéran, dont l'influence sur les chiites irakiens n'est plus à démontrer. Il n'est donc pas à écarter que Washington, comme elle l'a fait avec la Corée du Nord, fasse des concessions aux Iraniens en contrepartie d'une collaboration pour désamorcer la crise irakienne, devenue un véritable casse-tête chinois pour les Etats-Unis. Il faut s'attendre donc à de nouveaux développements dans les jours qui viennent, dans les rapports entre les parties. K. ABDELKAMEL