Les dirigeants irakiens appellent à intensifier les attaques de ce genre. L'opération kamikaze de samedi à Nadjaf, qui avait coûté la vie à quatre militaires américains, devrait constituer le début des attaques suicides dans la guerre contre l'Irak. Le sous-officier qui s'est fait exploser avec sa voiture devant un barrage des alliés s'est ainsi vu attribuer, à titre posthume, le grade de colonel par le président Saddam Hussein. Hier, un officier du régime, le général Hazem Al-Rawi, porte-parole de l'armée, a révélé que “de nouveaux attentats suicides seraient commis” contre les GI's et les soldats de Sa Majesté dans les jours et les semaines à venir. Le vice-président Taha Yacine Ramadhan a appelé, de son côté, dans un esprit de solidarité purement nationaliste, “les Irakiens et les Arabes à s'en prendre aux Américains et aux Britanniques par tous les moyens et à les poursuivre jusqu'à chez eux.” Cette stratégie fait extrêmement peur aux membres de la coalition, à n'en juger que par les réactions de certains officiers à Doha, capitale de l'Etat du Qatar, où est basé le centre de commandement de la guerre. La terminologie employée par Tommy Franks, commandant en chef — américain — des opérations, et Patrick Truman, capitaine britannique, est également édifiante. Franks a déclaré que les marines des forces spéciales et des combattants kurdes ont “attaqué et détruit un important camp terroriste” au nord du pays. Il tente, en la circonstance, d'attirer déjà l'attention de l'opinion internationale sur la nature de la résistance irakienne, laquelle, tout de même, lutte contre une puissance de feu envahissante. De cette manière, la lutte contre l'agression deviendrait injustifiée et ce serait, au contraire, l'action illégale des Etats-Unis qui en sera légitimée. Truman, de son côté, a affirmé que la guerre qu'ils (les Irakiens) mènent “est sale”. Histoire sans doute d'arroser de propreté la terrible foudre qui s'abat sur les villes et les civils irakiens. Les opérations suicides sèment en tout cas la terreur parmi les militaires alliés. “Nous ne nous attendions pas à ce que cette bataille soit si longue. Je n'avais jamais rien vu de tel, même pas au Kosovo. Ce combat est complètement différent pour nous, les tactiques sont nouvelles…”, avoue le capitaine Truman. La prudence est plus que jamais de mise. Les suspects, sur les routes ou dans les villes, sont conduits les mains sur la tête jusqu'aux chars d'assaut avant d'être interrogés. Les alliés ont installé divers obstacles sur les routes afin d'obliger les véhicules à ralentir la cadence. Tommy Franks a fait savoir que les GI's renforceront leur vigilance. “Il est remarquable que ce soient les dirigeants au sommet qui prennent la responsabilité” des attentats suicides, a-t-il commenté, faisant allusion bien sûr aux déclarations du général Hazem Al-Rawi. Des centaines, voire des milliers de volontaires arabes, sont soit en territoire irakien soit à la frontière avec la Syrie, prêts à prendre part à la “Guerre sainte” décrétée dans plusieurs capitales arabes. Notre envoyé spécial dans le Golfe a rencontré certains de ces volontaires, y compris des Algériens, qui lui ont fièrement annoncé leur participation à la guerre. Hier, le Djihad islamique palestinien a revendiqué l'attentat suicide qui a fait une trentaine de blessés à Netanya, en Israël, et l'a “dédié au peuple irakien qui a surpris le monde par son héroïsme et sa résistance”. Cette organisation radicale a révélé avoir déjà envoyé des kamikazes en territoire irakien pour mener des opérations suicides contre les soldats de la coalition américano-britannique. Fait hasardeux (?), un employé apparemment mécontent a foncé sur des militaires américains dans un camp du nord du Koweït, blessant au moins quinze d'entre eux. Les coalisés pourraient solliciter l'aide d'Israël, un pays qui doit connaître le traumatisme que causent les opérations suicides. L'enfer est pour les héros. L. B.