La saturation des officines de pharmacie provoque la crise dans la profession et c'est le Conseil de l'ordre régional de déontologie, section ordinale des pharmaciens, qui met le doigt sur les causes de cette situation particulière à Oran. Aujourd'hui, l'application de la réglementation en matière d'ouverture d'officines de pharmacie, d'exercice de cette activité, qui est très claire par les normes qu'elle impose, se heurte à une situation nouvelle provoquée par la multiplication des agréments délivrés pour l'ouverture de pharmacies, plus particulièrement à Oran. Les dépassements de certaines dispositions contenues dans la réglementation sont de plus en plus évidents et vérifiables au quatre coins de la ville d'Oran, mettant au centre de la polémique l'Administration. En effet, cette saturation en matière de nombres d'officines plonge cette activité dans la crise, dont les effets pervers, comme les faillites et les fermetures guettent bon nombre de jeunes pharmaciens. Ces derniers lancent un cri d'alarme à l'attention des pouvoirs publics pour inverser la tendance et revenir à des solutions et à des orientations prenant en compte l'évolution du secteur durant ces 10 dernières années, où l'on a vu des promotions d'étudiants en pharmacie toujours plus nombreux, atteignant parfois près de 1 000 inscriptions. “Je viens de m'installer il y a quelques mois. Il a fallu que je prenne des crédits et des prêts pour ouvrir ma pharmacie. Je me suis endetté même avec les fournisseurs. J'ai parfois 5 clients dans la journée seulement ! Je n'y arrive pas, je ne sais pas comment faire pour payer mes dettes !” nous confie avec angoisse Hafid qui n'a pas la trentaine. Celui-ci, qui exerce depuis peu dans la commune de Bir El Djir, nous explique qu'en l'espace de quelques mois, près d'une dizaine de nouvelles pharmacies ont ouvert et des agréments auraient été délivrés à autant d'autres, et d'ajouter : “À force de donner des agréments ainsi n'importe comment, ils vont nous tuer, nous mettre par terre, il n'y aura plus d'activité. D'ailleurs, nous avons des collègues de notre promotion qui ont abandonné et fermé.”Même constat chez une pharmacienne qui, elle pourtant, exerce depuis plus de 15 ans et dont l'officine se trouve sur un grand boulevard : “C'est vrai, je connais le problème de ces jeunes confrères, même moi, j'ai des difficultés. J'ai dû me séparer d'un de mes employés. Il y a une saturation, que l'on constate régulièrement. Cela sans compter les problèmes et les difficultés engendrées par le système du tiers-payant.” Certains de nos interlocuteurs lancent : “Il n'y a qu'à bloquer la filière !” Car, d'année en année, ce sont toujours plus de pharmaciens qui sortent de l'université, et désormais ces derniers vont être confrontés au chômage. Une décision que les responsables n'osent même pas évoquer tant elle leur semble impossible, mais surtout revêt un caractère hautement politique. Mais pour l'heure, la saturation des officines de pharmacie provoque la crise dans la profession et c'est le Conseil de l'ordre régional de déontologie, section ordinale des pharmaciens, qui met le doigt sur les causes de cette situation particulière à Oran, comme nous l'a expliqué le président de la section ordinale régionale d'Oran : “Le problème s'est aggravé depuis la circulaire ministérielle n°3 de novembre 2005 qui a donné toute latitude aux DSP de donner des agréments dans les zones enclavées, là où il y a de nouvelles cités. Mais, il est encore précisé qu'elle est laissée à l'appréciation des DSP en concertation avec les partenaires, c'est-à-dire nous.” Et notre interlocuteur de dénoncer la lecture très large faite par la DSP d'Oran et, en même temps, l'absence de concertation qui semble régner sur ces questions. Le président de la section ordinale régionale des pharmaciens, code de déontologie en main, persiste en rappelant ainsi que dans ses articles 171, 177, 191 et 202, les sections ordinales doivent être consultées sur de très nombreux points qui vont de la création de nouvelles officines aux transferts de locaux, etc. OUVERTURE ABUSIVE ET NON-RESPECT DES NORMES Alors que nous évoquions avec lui le contenu de la réglementation où les conditions pour l'ouverture des pharmacies sont claires, 1 pharmacie pour 5 000 habitants, un local de 50 m2 au minimum, une distance de 200 m entre deux officines… Notre interlocuteur nous avoue que justement leur organisation a enregistré 4 plaintes de pharmaciens, deux individuelles et deux autres collectives, à Gdyel et à ES Senia, pour ouverture abusive et non-respect des normes prévues par la réglementation. Des dépassements que les nombreux pharmaciens, que nous avons rencontrés, ont dénoncés tout en se demandant les raisons. Pour le président de la section ordinale, il y a des abus qui ne se seraient pas produits si l'Administration avait accepté de mettre en place une politique de concertation : “Nous aurions pu apporter bien de l'aide et des informations à la DSP, car nous avons des commissions sur les statistiques, la démographie, la déontologie, les pharmaciens condamnés à des plaintes infamantes qui ne doivent plus exercer, où encore l'adhésion au Conseil de l'ordre qui est obligatoire.” Et de lâcher : “Pourtant l'existence des Conseils de l'ordre est consacrée par la loi, mais on veut nous marginaliser !” Remis en cause, nous avons contacté le DSP d'Oran qui s'est défendu d'aller au-delà de ce que lui permet la réglementation : “Nous avons obtenu une dérogation du ministère pour autoriser des ouvertures au niveau des nouvelles extensions des villes, des zones enclavées, des nouveaux quartiers… Nous avions jusqu'en 2006 à Oran, qui est saturée, plus de 300 demandes en instance.” Et de poursuivre : “En tant que DSP, je dois faciliter… il y a eu à peu près jusqu'à aujourd'hui 400 nouvelles ouvertures. Si certains ont des difficultés à trouver des locaux, je ne peux rien faire. Quand le dossier est complet, je délivre l'agrément.” Refusant de réagir aux critiques qui le ciblent du fait de la crise provoquée par la saturation des agréments délivrés par ses services, le DSP, en totale contradiction avec les propos de notre précèdent interlocuteur, réplique concernant le Conseil de l'ordre et de la section ordinale régionale des pharmaciens : “Ils ne sont là que pour donner un avis. Ils ont été invités mais ils ne participent pas aux sorties.”Dans cette situation où, à l'évidence, les points de vue sont opposés et au moment où des pharmaciens angoissés réclament une prise en charge de ce secteur en toute transparence, le DSP a encore fait état, lors de notre entrevue, de la fermeture provisoire de seulement 3 pharmacies. La première pour transfert illégal, la deuxième pour absence du pharmacien et la dernière pour superficie non réglementaire. F. BOUMEDIENE