Selon les sondeurs, le second tour de la présidentielle française mettra aux prises Sarkozy avec Ségolène Royal. Mais, Bayrou peut faire la surprise. Environ 44,5 millions d'électeurs doivent voter aujourd'hui pour dire qui ils souhaitent voir succéder à Jacques Chirac à la présidence de la République. C'est une élection à suspense qui devrait marquer un tournant dans la Ve République, ne serait-ce que parce que les prétendants font partie de la génération post-“soixante-huitarde” et donc moins liés aux apparatchiks de l'establishment français. Sarkozy et Royal ont pris leurs distances des éléphants de leur formation respective et le troisième homme de ce scrutin, le centriste Bayrou, a bâti sa percée sur la dénonciation de la bipolarisation du système français en action depuis la disparition du général de Gaulle. Sarkozy, qui est sûr de passer le premier obstacle, aura fort à faire pour le second tour quel que soit son concurrent. Que ce soit Ségolène Royal ou François Bayrou, les reports de voix se feront pour l'un et l'autre, à la différence de Sarkozy qui ne devrait bénéficier que des voix de Le Pen. Un gisement, certes, de 4 à 6 millions de voix mais beaucoup moins important que le tiers de l'électorat indécis jusqu'à l'ouverture des bureaux de vote. Sarkozy, qui a “droitisé” la politique de l'UMP en allant plus loin que ne l'a osé Le Pen, sur les thèmes de l'immigration et de l'identité nationale, et qui fait montre d'atlantisme outrancier dans un pays façonné par le gaullisme et dont l'originalité, dans le monde occidental, aura été préservée jusqu'à Jacques Chirac. D'ailleurs, le président sortant a apporté un soutien sans enthousiasme à son ex-ministre de l'Intérieur. Selon les sondeurs, des douze prétendants (dont quatre femmes) en lice, (Olivier Besancenot, Marie-George Buffet, Gérard Schivardi, François Bayrou, José Bové, Dominique Voynet, Philippe de Villiers, Ségolène Royal, Frédéric Nihous, Jean-Marie Le Pen, Arlette Laguiller et Nicolas Sarkozy), seuls les candidats de l'UMP et du Parti socialiste pourront disputer, le 6 mai, le droit de devenir le 6e président de la Ve République. Tirant des leçons de leurs erreurs de la présidentielle de 2002, où ils se sont plantés en ne pronostiquant pas la montée spectaculaire de Le Pen, qui a éliminé au premier tour le socialiste Jospin, les sondeurs ajoutent que tout reste ouvert pour les deux autres favoris du quartette, Bayrou et le candidat du Front national. Ils font remarquer tout de même que Le Pen est vraiment fini et qu'il ne pourra pas réaliser son rêve d'occuper l'Elysée, qu'il poursuit depuis un demi-siècle. Il reste que c'est la première fois qu'aucun Premier ministre, ancien ou en fonction, ou président sortant ne participe au scrutin. Pour la première fois depuis 1969, les candidats des deux principales formations, le PS et l'UMP, en sont à leur première candidature et c'est la première fois également qu'une femme est en mesure d'accéder à la présidence. Mme Royal a joué sur cela et compte l'exploiter à fond la caisse pour le second tour, en plus de sa volonté de renouveler le rapport à la politique et aux citoyens en leur proposant un dialogue participatif sur les problèmes concrets et les difficultés quotidiennes que connaît la France du troisième millénaire. Le scénario du duel annoncé, un second tour Sarkozy-Royal, risque d'être perturbé par la montée surprise dans les sondages d'un troisième homme, François Bayrou, refusant l'alternative droite-gauche qu'on voulait, selon lui, imposer aux Français. Sa stratégie ne devrait, cependant, être payante que pour le premier tour car les Français devraient se fier au vote utile d'autant que l'expérience de 2002 est encore fraîche pour beaucoup d'entre eux. D. Bouatta