Liberté : Monsieur l'Ambas-sadeur, quelle explication donnez-vous à l'alignement américain à l'initiative marocaine sur le statut d'autonomie du Sahara occidental ? Mohamed Islem Beïssat : Les préoccupations américaines sur la stabilité du Maroc ne légitiment pas leur divorce ou leur mépris de la légalité internationale. Le Front Polisario et la RASD pensent que les intérêts de paix et de stabilité peuvent être servis dans le cadre de cette légalité internationale. Cela dit, cette approche des Etats-Unis n'est pas nouvelle… je dirais même que c'était le scénario de 1975. Alors pourquoi répéter le même scénario et les mêmes erreurs qui enfantent déstabilisation, hostilités et souffrances dans la région ? Ce que demande le Maroc ne peut être donné ni par les Etats-Unis ni par la France ni par l'Espagne, car ils ne l'ont pas. La décolonisation est un principe fondamental de l'ONU, comme les autres valeurs que sont les droits de l'homme, la liberté, la démocratie, etc. Et quel est votre commentaire concernant l'appel récent de 169 congressmen américains au président Bush, qui lui demandent d'appuyer l'initiative marocaine en la liant à la lutte contre le terrorisme ? La valeur de cet appel est une valeur limitée, vu qu'ils demandent à l'administration Bush de s'aligner sur la position du Maroc, alors que celle-ci s'est déjà déclarée l'alliée du royaume marocain. Nous croyons que cet appel est le résultat d'un deal entre 8 firmes de lobbies payés par le gouvernement marocain… Il y a des milieux américains qui confondent encore la résistance des peuples et le terrorisme. Je vous rappelle, à titre d'exemple, que Nelson Mandela avait été emprisonné pour raison de terrorisme. Comme je vous rappelle que d'autres congressmen et sénateurs américains ont également saisi très récemment George Bush pour lui demander de défendre la légalité internationale et les droits du peuple sahraoui à l'autodétermination. Pourquoi la France s'est-elle opposée, dans le projet de résolution du Conseil de sécurité, à toute référence aux droits de l'homme dans les territoires sahraouis sous occupation marocaine ? La France se déclare l'avocat des droits humains, pourtant elle a refusé devant tous les pays membres du Conseil de sécurité que l'on parle de respect des droits de l'homme dans la résolution. C'est là un divorce entre la France et ses valeurs ! Qu'attendent les Sahraouis de l'Algérie ? L'Algérie est un pays limitrophe et aussi un pays ami au peuple sahraoui. L'Algérie, en tant que grand pays, peut fournir des efforts et veiller sur la paix dans la région, comme le veut la légalité internationale. Tant que l'expansion territoriale n'est pas écartée, tant que les frontières ne sont pas respectées par tous, nous ne pourrons pas nous rassembler ni nous unir. Et l'Algérie a un rôle à jouer dans ce cadre. Propos recueillis par H. A.