Cette situation a entraîné un trafic à large échelle de documents bancaires. Encore une fois, des divergences avérées dans l'interprétation et l'application des textes réglementaires liées aux procédures de dédouanement, viennent de surgir au niveau de l'administration douanière. En effet, ces derniers temps, l'importation de véhicules touristiques par les particuliers, dans le cadre de l'AIV, est devenue une véritable partie de “poker”. Aujourd'hui, l'ambiguïté est telle qu'une disposition réglementaire, datant de 1994, continue de diviser les directions régionales des douanes qui adoptent, chacune, sa propre interprétation nourrissant un dysfonctionnement flagrant au sein de cette administration. Résultat : d'une antenne douanière à une autre, le dédouanement des véhicules de tourisme (AIV) est loin d'être uniforme et se retrouve soumis aux aléas de “l'embuscade réglementaire”. La preuve en a été donnée par la direction régionale Est où, à Aïn Taya par exemple, on recense, comme le confirment nos sources et des citoyens qui se sont présentés à nos bureaux, pas moins d'une centaine de dossiers de dédouanement de véhicules bloqués. Cette situation dure depuis plus de 7 mois, nous dit-on. “Nous avons eu la malchance de déposer nos dossiers de dédouanement à Aïn Taya et nous sommes restés bloqués jusqu'à ce jour sans aucune suite”, se plaint ce particulier qui a mis toutes ses économies dans l'achat d'un petit véhicule. Il signale que sa voiture est aujourd'hui interdite de circulation, faute de dédouanement. Ce cas n'est pas unique et, dans notre investigation, nous découvrirons que les douanes de Aïn Taya se sont illustrées en la matière. Contacté, le premier responsable de la direction régionale Est, M. S. N, nous confirmera les faits et nous déclarera : “Nous avons envoyé les dossiers à la direction générale pour authentification des documents portant caractéristiques des véhicules et, surtout, la conformité du mode de leur importation”. Autrement dit, au niveau de cette antenne, toute demande de dédouanement donne lieu à un contrôle systématique et rigoureux incombant à d'autres structures de la DG douanière. Mais alors, pourquoi tant de lenteurs ? Est-ce à dire que la direction générale ne répond pas et où se situe l'opportunité d'entreprendre des investigations sur des documents constitutifs d'une simple et anodine opération de dédouanement de véhicules, d'autant qu'elle n'est assise sur aucune connotation commerciale susceptible de donner lieu à une source de fraude ? En pratique, le dédouanement d'un véhicule importé dans le cadre de l'AIV est subordonné à certains documents, tels que la facture, le carnet international, etc., et surtout une pièce maîtresse très controversée, embarrassant solidairement aussi bien les douaniers que les particulier : l'avis de débit. Et c'est justement autour de ce document bancaire que les douaniers se sont “géographiquement” dispersés. Introduit par une disposition de la loi de finances de 1994, l'avis de débit se veut être une preuve matérielle que le particulier a procédé au paiement de son véhicule acquis à l'étranger, par virement devises, opéré à partir d'un compte bancaire. Beaucoup de responsables douaniers qui ont requis l'anonymat s'interrogent sur l'utilité d'un tel document qu'ils considèrent “prescrit”. D'autres nous diront que ce texte incite plutôt à la fausse déclaration, laquelle, par ailleurs, à supposer que ledit avis de débit soit falsifié, n'influe en rien sur les droits et taxes et demeure sans aucune incidence quant au recouvrement douanier. Par contre, pour le premier responsable de la direction régionale Est, “tant que ce document est prévu réglementairement, on ne peut l'occulter”. Il nous dira que plus de 99% des avis de débit présentés se sont avérés être des faux, bloquant ainsi le dédouanement et préférant s'en remettre à la direction générale pour les suites à entreprendre, ce à quoi la direction du contentieux mentionne dans sa réponse qu'”en dépit du caractère obligatoire de ce document pour l'acceptation du dédouanement”, elle signale que celui-ci n'a aucune incidence sur les droits et taxes de douane. Elle recommande la rigueur sur l'âge et la puissance des véhicules et suggère la mise en place d'un assainissement des dossiers accompagnés des avis de débit dont le montant serait inférieur à la valeur du véhicule. En clair, à travers la direction du contentieux, c'est la direction générale qui s'est prononcée, invitant les responsables de l'antenne douanière de Aïn Taya à libérer les dossiers. Sauf que le directeur régional Est (DRE) considère que cette réponse est incomplète et ne peut donc dénouer la situation. Il promet, en revanche, qu'une solution sera trouvée rapidement pour permettre aux citoyens d'obtenir enfin leur quitus de dédouanement définitif et mettre fin à l'anarchie née réglementairement. Pourtant, il ressort de nos investigations que ce genre de problèmes ne s'est posé qu'au niveau de la seule antenne de Aïn Taya, dont les responsables hiérarchiques se sont avérés scrupuleusement regardant sur l'authenticité de l'avis de débit. A travers les autres structures douanières du pays, les inspecteurs préfèrent plutôt s'assurer sur la véracité déclarée quant à l'âge du véhicule et sa puissance fiscale. Et l'avis de débit ? “Non, pour nous, c'est un document sans valeur car ne pouvant constituer un risque de perte pour le Trésor”, rétorquent à l'unanimité de hauts cadres des douanes. “Pourquoi s'encombrer à enquêter sur un document que tout le monde soupçonne et reconnaît être faux ?” D'ailleurs, indiquent nos interlocuteurs, il y a une réflexion actuellement en cours au niveau de la direction générale des douanes pour interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité d'abolir ces avis de débit. Sur cette question, même le directeur régional d'Alger-Est, nous déclare être partisan de cet assouplissement. Difficile d'expliquer ces paradoxes intra-douaniers, cette absence de cohésion et manque de visibilité sur les conséquences néfastes se répercutant au bout du compte sur les particuliers. Ceux qui ont eu la chance d'aller dédouaner leurs véhicules hors de la zone de Aïn Taya, que ce soit à Alger, Tipasa ou ailleurs n'ont rencontré aucune difficulté. Au contraire, nous signale-t-on, “ils ont l'agréable surprise d'être servis rapidement”. Avis aux candidats ! A. W. Avis de débit Un document bureaucratique Consécutivement à ce qui semble “indisposer”, une commission douanière vient d'être installée officiellement, avons-nous appris pour résoudre définitivement ce problème surgi essentiellement de Aïn Taya. “C'est imminent, les dossiers vont être libérés et des instructions seront données à la direction générale d'Alger-Est pour le règlement du problème”, nous signale une source anonyme au niveau de la direction générale. Et d'ajouter : “On ne comprend pas pourquoi on s'acharne à enquêter sur des opérations initiées par des particuliers au lieu de s'intéresser plutôt à orienter ses énergies sur les filières à risques”. Il faut savoir que sur ce dossier, beaucoup de douaniers ont plutôt souhaité garder l'anonymat. A. W.