Pour le conseiller à la Présidence, “il y a une pauvreté salariale au Maghreb qui est à l'origine de la crise de productivité.” L'ex-ministre et actuel conseiller à la Présidence, M. Benachenhou, a présenté, hier à l'auditorium de l'IGMO de l'université d'Es-Sénia, une conférence inaugurale très remarquée, à l'occasion de la tenue d'un colloque international sur le thème “La gestion des ressources humaines au Maghreb à l'heure de la mondialisation : analyses et perspectives”, qui a été organisé par la faculté des sciences économiques, des sciences de gestion et des sciences commerciales. En effet, le conseiller du président de la République a fait un très long parallèle sur la situation de la gestion des ressources humaines (grh) dans les trois pays du Maghreb, analysant les approches respectives, les contraintes et les perspectives, tout en n'omettant pas de prendre en compte les spécificités de chacun des pays. Pour l'intervenant, la question des RH est majeure pour les trois pays, et cela par rapport aux réformes économiques qui sont engagées à l'heure de la mondialisation. En effet, la GRH est centrale au moment où “le changement du rôle des appareils de l'Etat, qui passe de producteur au rôle de régulateur et protecteur, nécessite une prise de conscience”. Et d'emblée d'ajouter : “En Algérie, nous changeons d'organisation économique, mais nous n'avons pas les RH pour assurer les tâches. Dans l'économie, les besoins sont massifs. Il faut changer la taille des entreprises, ce qui signifie débattre de la politique des RH.” Et l'intervenant d'estimer que le problème se pose également dans l'administration où la priorité devrait être la qualification. M. Benachenhou poursuivra son exposé en expliquant que “les entreprises au Maghreb sont généralement plus attentives à l'acte d'investissement industriel” et considère que les RH comme une question qui relève uniquement de l'Etat : “C'est là une culture partagée aussi bien par les entreprises que par l'administration” et de lancer qu'il faudrait “revoir la perception culturelle des responsabilités sociales de l'éducation”, ce qui, pour certains, sera pris comme un assentiment à la privatisation de l'enseignement. D'ailleurs, l'orateur citera en exemple “les pays émergents où l'on trouve une approche sociale différente, une nouvelle conception de responsabilité sociale de l'éducation”. Revenant à la sphère économique pour évoquer l'importance qui doit être accordée à la GRH, le conférencier relatera, à titre d'exemple, les entretiens qu'il a eus avec les 45 chefs d'entreprise algériens ayant le chiffre d'affaires le plus important, et d'en arriver à la conclusion que “très rares sont ceux ayant reconnu s'intéresser aux RH, constat, dira-t-il, des entreprises qui ne maîtrisent rien, ni les ressources ni les RH. D'où la fonction de production qui est bloquée.” Et d'ajouter plus loin : “En matière de RH, il faut arrêter de dire que l'Etat fait tout. Soit il n'y a rien. Il y a un travail culturel à faire, il y a là un potentiel important et il faut même interpeller les entreprises étrangères sur ce qu'elles font en matière de formation, de recherche ; ce n'est pas que l'argent qu'elles ramènent qui compte”. Abordant encore la question du marché du travail, M. Benachenhou évoque la réactivation en Algérie de l'Anem, disant même qu'il s'était opposé lorsqu'il se trouvait au gouvernement car, selon lui, la conception de “marché du travail” n'est pas acceptée dans notre pays, y compris au Maghreb. L'un des autres constats que fait l'orateur est la dévalorisation du travail de fait : “Il y a une pauvreté salariale au Maghreb qui est à l'origine de la crise de productivité. C'est une tendance générale, le Maghreb ne paie pas ses travailleurs. Les RH ne peuvent être détachées de la politique salariale”. Le conseiller de la Présidence lâchera à son auditoire, par rapport “au rêve algérien”, de faire revenir les compétences qui sont parties à l'étranger : “C'est un rêve de vouloir faire revenir les compétences qui sont à l'extérieur, maintenant. Elles ne viendront que dans des entreprises et des institutions bien organisées et qui les paieront correctement !” Et d'ajouter plus loin, à titre d'exemple, que les universitaires doivent être bien payés puisque ce sont eux qui assurent la fonction de formation. Revenant à la GRH de manière générale et plus particulièrement dans le monde économique, M. Benachenhou enfoncera encore une fois “le clou” avant de conclure sa conférence en déclarant : “Le programme de mise à niveau dans les trois pays du Maghreb ne peut avoir que des aspects en matière d'équipements, de finances. Dans notre pays, c'est une question d'organisation et de gestion des RH. Il faut que les entreprises acceptent de changer leur organisation !” Et de rappeler, sur ce point à juste titre, que la majorité des PME sont des PME familiales. F. Boumediene