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Démocratie et pauvreté : quelle issue ?
Publié dans Liberté le 03 - 04 - 2003

Les champions de la gIobalisation parIent beaucoup et de façon assez répétée pour tenter d'en faire la vérité, que le monde inaugure, aujourd'hui, une ère nouvelle de paix perpétuelle et de triomphe de la démocratie, sous-entendu : conduisant à une ère de prospérité.
En même temps, il y a une forte impression ressentie dans le monde, surtout au Sud, que la gIobalisation de l'économie est injustement mise au service des pays développés au détriment des pays en développement, que la globalisation de la culture se dirige inexorablement vers une standardisation au détriment des cuItures nationales et que la dimension sociale de la mondialisation se caractérise par la globalisation de la pauvreté.
La gIobalisation de la pauvreté dans le sens où la pauvreté est vécue localement mais ressentie gIobalement à cause du “village gIobal”. Alors, la pauvreté devient une préoccupation de l'ensemble de la communauté internationale. Mais l'inflation des discours n'a que peu, ou pas du tout, modifié les pratiques. Jamais le discours n'a été aussi éloigné de la réalité !
L'aide extérieure à l'Afrique, le continent le plus touché par la pauvreté, est passée de 32 US $/habitant en 1990 à 18 US $/habitant en 1998. La part de l'aide extérieure dans le PNB reste plafonnée au-dessous de 0,25%, à comparer au 0,7% promis et 1% souhaité. L'aide au développement se situe à 50 milliards US $/an aIors que les subventions à l'agriculture qui faussent les cours mondiaux des produits agricoles, au détriment des paysans du Sud, avoisinent 350 milliards US $/an.
Plus de la moitié des habitants de la planète vivent avec 2 US $/jour seulement et 65 pays sont plus pauvres, aujourd'hui, qu'il y a dix ans. 80% de la population du monde vivent avec 20% du revenu mondiaI. Dans 30 ans, la population du monde augmentera de 2 milliards de personnes, dont seulement 50 millions seront dans les pays développés.
D'où la tendance inquiétante à l'augmentation des inégalités, aux menaces sur l'environnement et à l'appauvrissement.
Le monde pourra-t-il supporter de tels écarts d'inégalités dans tous les domaines ainsi que le fossé toujours plus large entre pauvres et riches, au moment où le potentiel de prospérité et d'épanouissement pour toute l'humanité est à son niveau le plus élevé dans l'histoire ?
Qu'en est-il du Nepad ? Le Nepad peut se caractériser par trois éléments nouveaux par rapport aux programmes précédemment initiés en faveur du développement de l'Afrique :
(I) l'appropriation et la gestion des programmes de développement par les pays africains eux-mêmes,
(II) l'acceptation largement partagée du rôle cIé que doit jouer la bonne gouvernance dans le succès du Nepad,
(III) l'importance de l'accueil et de l'appui de la communauté internationale, le G8, notamment. Quel degré d'appropriation ? Au niveau du pays ? De la région ? Sous le leadership de quelques pays ou de quelques chefs d'Etat ? L'appropriation exige un consensus national et un accord régional sur les principaux objectifs du développement au niveau national et au niveau régionaI.
Aujourd'hui, il y a le sentiment de “tourner en rond” de conférence à conférence, sans passer à la mise en œuvre ! Cette mise en œuvre qui nécessite l'effort financier africain et le rapatriement de l'épargne des Africains à l'étranger, de même qu'un effort de gestion de ressources parce que l'Afrique demeure un immense gisement de ressources naturelles alors que la population vit dans la pauvreté.
Beaucoup de pays africains qui ont initié des programmes de réformes économiques avec
l'appui de la Banque Mondiale et le FMI ont montré une capacité de mise en œuvre réussie de la stabilisation macroéconomique. Donc, on sait faire la stabilisation, mais le coût est supporté par les populations et surtout les groupes les plus vulnérables. Les tentatives de mise en place de filets de protection sociale n'ont pas connu de succès.
Lorsque la stabilisation macroéconomique est assurée, il y a les ressources mais il n'y a pas la capacité d'absorption parce que les institutions performantes et la bonne gouvernance sont absentes.
D'où la nécessité urgente de lancer une étude en vue d'élaborer le design d'institutions et de bonne gouvernance adaptées à la réalité africaine en termes du niveau de développement des ressources humaines, du savoir-faire locaI et des institutions informelles.
La contribution de la communauté internationale doit couvrir des aspects : la mobilisation de ressources financières complémentaires pour les programmes de développement et la mise à la disposition de l'expérience accumulée par les différentes institutions internationales (Banque mondiale, FMI, Banque africaine de développement, OCDE ...) et nationales de coopération les plus présentes (canadienne, française, aIlemande, des pays nordiques, japonaise).
En particulier, face à la pénurie de ressources, comment mettre en commun des ressources pour des programmes régionaux (hôpital régionaI, université régionale ) ?
La recherche des solutions pour la dette extérieure de l'Afrique est un autre sujet de
préoccupation. Le paradoxe est qu'au moment où les autorités algériennes mènent une action fortement médiatisée en faveur du Nepad à l'étranger, elles agissent dans le sens opposé aux principes de celui-ci, lorsqu'il s'agit de la gestion de l'économie algérienne.
Face à l'appropriation et la gestion des programmes de développement, les autorités
algériennes pratiquent une politique qui éloigne chaque jour davantage les citoyens de la participation. Face au rôle clé joué par la bonne gouvernance, on assiste au règne de l'illisibilité, de l'opacité et l'absence de stratégie. Face à la lutte contre la pauvreté, on assiste à l'appauvrissement au moment où le pays dispose de niveaux records en matière de ressources financières en dinars et en devises. A jeudi prochain pour une autre question, entre-temps travaillons toutes et tous à
l'élargissement de la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie.
A. B.


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