La colère des Marocains contre les Etats-Unis est à son paroxysme après que la représentation diplomatique américaine eut décidé de fermer son consulat général à Casablanca, mais c'est surtout la déclaration de l'ambassadeur indiquant que le Conseil royal des affaires sahraouies ne sera pas convié aux négociations avec le Polisario. Habituellement très réservé dans ses positions vis-à-vis de Washington, l'allié stratégique, la presse marocaine, notamment les journaux L'Economiste et Al Nahar Al Maghribia, s'en est sévèrement prise à l'ambassadeur américain à Rabat. Si la décision de ce dernier d'envoyer les Marocains désireux d'acquérir le visa d'entrée aux Etats-Unis chez les pays limitrophes pour l'obtenir a constitué le point de départ de la colère marocaine, l'annonce par le même diplomate que le Conseil royal consultatif pour les affaires sahraouies (Corcas) ne prendra pas part aux discussions entre le Maroc et le Front Polisario aura été la goutte qui a fait déborder le vase pour le Makhzen. Cette déclaration consacrant la position du seul représentant du peuple sahraoui du Front Polisario met l'organe fantoche, créé de toutes pièces par le Makhzen, Corcas, hors jeu en ne lui reconnaissant aucune représentativité. Pour Al Nahar Al Maghribia, le cadre de négociations préconisé par Thomas Riley, l'ambassadeur américain, est “inacceptable”, car, ajoute-il, “il est hors de question de tourner le dos aux Sahraouis de l'intérieur”. Plus grave encore, le journal accuse le diplomate d'ignorer totalement “la constitution sociologique et tribale de la société sahraouie”. Il faut dire que cette surprenante sortie médiatique de Riley n'était guère attendue par Rabat, qui espérait un soutien américain sans faille pour conforter sa position, particulièrement après le forcing de Washington au Conseil de sécurité pour faire accréditer le plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental. Quant à L'Economiste, il s'est chargé de critiquer violemment la décision des Etats-Unis, demandant aux Marocains d'adresser leurs demandes de visa “auprès des ambassades des Etats-Unis dans les pays voisins” en raison de la fermeture du consulat général de Casablanca suite à l'attentat terroriste ayant visé cette structure le 14 avril dernier. “C'est la gifle la plus grave que le gouvernement marocain ait reçue. Et qui plus est, elle provient du gouvernement d'un pays supposé ami”, écrivait l'éditorialiste de la publication. Poursuivant sa diatribe, il dénoncera le silence complice du gouvernement marocain : “Un tel communiqué ne peut que faire croire que le Maroc vit de graves problèmes de sécurité au point que les Marocains devront se rendre dans les pays voisins pour demander un visa... Difficile d'imaginer humiliation plus grande pour les Marocains. Nous aurions souhaité que le gouvernement réagisse, proteste ou, au moins, demande des explications, mais (...) il a encaissé la gifle et s'est tu”. Pourtant, selon lui, “le Maroc est un pays sûr et (...) cette mesure est de la véritable désinformation. Il faut rappeler à l'ambassade des Etats-Unis au Maroc que si terrorisme il y a dans le monde, c'est parce que les Américains mènent une politique sournoise et inique à l'égard du monde arabe et musulman”. En position de faiblesse, le Maroc s'est donc abstenu de réagir officiellement, laissant le soin à ses relais de le faire pour montrer son mécontentement. K. ABDELKAMEL