Le discours du président irakien s'achevait au moment où des missiles s'abattaient sur Bagdad. L'apparition du président irakien sur les écrans de télévision, vingt minutes durant, a mis fin à toutes les spéculations relatives à sa mort et/ou à son état de santé. Saddam Hussein, en treillis militaire, visiblement éprouvé par la situation vécue par son pays depuis le début de la guerre, a tenu un discours de guerre. Un discours entrant forcément dans la stratégie de communication menée par les deux camps dont dépendra en grande partie l'issue de la guerre. «La victoire est proche», a-t-il martelé à plusieurs reprises. Une harangue visant, somme toute, à doper le moral des troupes et à contrer la stratégie américaine dite «Choc et stupeur». «Frappez votre ennemi avec force et précision», a-t-il lancé à l'adresse de ses troupes en train de combattre «vaillamment», selon nombre d'observateurs, les forces coalisées auxquelles se sont joints hier des soldats d'élites polonais et australiens alors que le front nord vient d'être officiellement ouvert par la Turquie, appuyée par quelques soldats d'élites américains. Saddam Hussein, évoquant à maintes reprises des versets coraniques relatifs au «djihad», avec en arrière-plan le drapeau irakien portant la mention «Allah Ouakbar» depuis la première guerre du Golfe, a fait référence aux combats qui continuent de se dérouler au niveau de Oum Qasr et de Nassiriyah. «Je salue toutes nos forces et tous les résistants», a-t-il souligné, avec un hommage particulièrement appuyé aux «hommes de la 11e division de l'armée irakienne, notamment son 45e bataillon qui continue de tenir tête farouchement et courageusement à des forces alliées supérieures en nombre et en armements». Selon de nombreux analystes, le discours de Saddam a cherché à séduire, outre son peuple qu'il a tout intérêt à mobiliser autour de lui en dépit de ses disparités ethniques et religieuses, tout le monde arabe et musulman. D'où les nombreuses références au Livre saint de l'Islam. Le choix du timing de la sortie de Saddam Hussein n'est donc pas le fruit du hasard. Ce n'est pas non plus un hasard si les forces coalisées ont intensément bombardé la capitale irakienne avant même que ne s'achève le discours dans une sorte de tentative désespérée de noyer la voix du président irakien sous le bruit des bombes et des missiles balistiques. Saddam, en effet, parlait au moment même où se réunissaient au Caire les ministres arabes des Affaires étrangères. Ces derniers avaient déjà été appelés la veille par le ministre irakien de la Communication à «soutenir l'Irak» dans son combat «contre l'envahisseur». Dans le même temps, Saddam, à travers son discours, a donné l'air de beaucoup compter sur les manifestations de rues, aussi bien dans le monde musulman qu'ailleurs. Il a, en effet, cherché à gagner la sympathie des citoyens, y compris celle des Anglais et des Américains en soulignant avec force que «l'Irak, attaché aux valeurs universelles de la paix et de la bonne entente, a tout fait pour éviter cette guerre», allusion à toutes les concessions faites par Bagdad au Conseil de sécurité de l'ONU dans le cadre de son désarmement et le soutien massif apporté à ce processus par toute la communauté mondiale. Cela, avant de faire assumer «la pleine responsabilité» aux troupes coalisées, des graves dérapages qui risquent de se produire dans la région et dans d'autres parties de la planète à cause de cette guerre. Saddam a conclu en promettant de «lourdes pertes dans les rangs de l'ennemi», selon lui, en train de s'enliser à mesure que ses troupes progressent dans les régions sud de l'Irak.