Soixante-trois sièges perdus par le FLN. Un recul intrigant à plus d'un titre, mais prévisible tout autant. Ses raisons sont aujourd'hui multiples. Mai 2002-mai 2007. Deux dates, deux campagnes et deux résultats antagonistes. Les législatives du 17 mai dernier et ce qu'elles ont charrié durant la campagne électorale ont remis au goût du jour les paradoxes, dilemmes ou encore déchirement internes du FLN. Le recul notable de l'ex-parti unique à l'APN en est aujourd'hui la démonstration parfaite. Le front bascule d'une majorité absolue avec 199 députés sur 389, à une majorité relative avec 136 élus. Malgré le discours rassurant et positif, le choc est dur à encaisser dans les rangs dispersés du front. Le parti paye, pour de nombreux observateurs, la crise passée et sa gestion. Si les déchirements de l'élection présidentielle se sont terminés avec la reconduction de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême, le FLN paye aujourd'hui ses conflits internes, la crise éclatée par l'avènement du mouvement de redressement et latente depuis l'invalidation du 8e congrès. Un avatar difficilement gobé qui a créé, bon gré mal gré, un décalage entre la base et le sommet de l'appareil. Et ce, même si depuis le 8 avril 2004, on a joué à l'intérieur et pour la pérennité du système la carte de l'apaisement, de la réconciliation entre des militants, d'un même parti, qui ont opté pour deux candidats différents à la présidentielle. Sommés de resserrer les rangs, de calmer les tensions du moins de façade, les militants se sont retrouvés confrontés à des contradictions flagrantes. Notamment à l'Assemblée populaire nationale, devenue pour beaucoup au mieux une caisse de résonance, un bureau d'enregistrement ou encore un gouffre rempli et vide à la fois. La crédibilité de l'institution s'est retrouvée entachée à plusieurs reprises par le désintéressement flagrant de ses locataires aux affaires nationales. Une image qui a perduré et a induit une méfiance des électeurs vis-à-vis des législatives. D'autres facteurs ont également influé sur ce recul. En premier, le changement de ton et de discours. Rarement le FLN n'avait mené une campagne pareille. La victoire du parti aux législatives de 2002, incontestée aux plans national et international, notamment grâce à la présence des observateurs étrangers, n'était certes pas le fruit du hasard, mais d'un travail de proximité auprès d'une frange de la population rarement intéressée par la chose politique. Le discours rénovateur et moderniste du secrétaire général s'inscrivant toutefois dans la lignée des valeurs et principes du FLN, celui de l'appel du 1er Novembre et non du parti unique, avait attiré les jeunes et les femmes dans les rangs d'un parti qui avait perdu de sa superbe au cours des ans. Son programme également. Ce qui avait entraîné une montée en puissance du parti pour le scrutin législatif et local. Le FLN de 2007, lui, a fait un choix stratégique. Celui de faire campagne sur la base du programme présidentiel et en mettant de côté le sien. Les deux n'étant pas contraires mais il s'agissait néanmoins d'une première. La proximité du FLN avec le président de la République ou encore avec le pouvoir politique ne l'avait jamais empêché jusque-là de présenter aux rendez-vous électoraux son propre programme, ses idées et ses valeurs, tout en défendant et en soutenant celui du chef de l'Etat. Pour les analystes, le premier décalage s'est fait à ce niveau et a été assimilé à une perte d'identité. En second, les contestations de la base dans le choix des listes de candidatures. Le secrétaire général du FLN s'est retrouvé en butte à une grogne interne et issue de la base militante qui ne se retrouvait pas dans les choix édictés. En 2002, les nominations des futurs élus ont émané des kasmate, mouhafadhate et ont été avalisés au plan national par le parti. Aucune grogne ne les avait accompagnés. Ce qui avait permis également une synergie réelle entre les militants et leurs représentants. Les meetings s'étaient déroulés dans le calme et la sérénité et le SG n'avait pas eu à défendre les choix électoraux. La campagne de 2007 a été émaillée de tensions, de contestation et d'un désintéressement de la base militante. D'ailleurs, cette nouvelle base militante qui a intégré les rangs à la fin des années 1990 a du mal à se reconnaître dans les caciques du FLN. Un décalage de génération et de niveau. En outre, d'anciens députés du parti ont été évincés des listes pour les réminiscences de la crise présidentielle malgré leurs assises locales. Ce qui a provoqué un tollé un peu partout et contredit les promesses de réconciliation interne. Le fort taux d'abstention témoigne pour les observateurs de la faillite du système politique et des grands partis à fédérer un électorat de plus en plus méfiant à l'égard des échéances et des représentants politiques. La preuve d'une maturité désenchantée pour d'autres. Le choix de se taire certainement. Le vieux parti a eu surtout du mal à se démarquer de ses turpitudes passées et à dépasser les clivages internes. La sanction ultime est venue des urnes. Même si elle s'est traduite avant le scrutin par une fièvre électorale absente pour un rendez-vous national, l'inexistence d'une cacophonie habituelle de militants en période électorale aux sièges. L'abstention record a fait le reste avec un résultat des urnes que beaucoup assimilent à un désaveu. La leçon est dure à encaisser d'autant qu'elle met en avant les questions de légitimité et de représentativité d'une classe politique en décalage avec la base. Samar Smati