Devant les soupçons sur l'existence d'un compte bancaire en son nom au Japon et l'affaire de détournement de fonds à la ville de Paris, l'ancien chef de l'Etat français risque de se retrouver, dès la levée de son immunité le 16 juin prochain, devant les juges. Des voix s'élèvent en France pour appeler à une enquête pour faire toute la lumière sur l'histoire de l'existence d'un compte bancaire secret au nom de Jacques Chirac au Japon ainsi que l'affaire de détournement de fonds à la mairie de Paris. L'ancienne magistrate anti-corruption, Eva Joly, en fait partie. “Il me semble vital qu'une enquête soit faite sur les rumeurs très persistantes et maintenant aussi les documents sur l'existence d'un compte au Japon qui lui appartiendrait”, a-t-elle indiqué sur le site internet Rue89. “Une démocratie digne de ce nom ne peut pas vivre avec cette incertitude”, ajoute-t-elle au sujet des doutes pesant sur le président français sortant. C'est l'existence d'un compte dans une banque de Tokyo qui fait couler le plus de salive et d'encre après les révélations dans l'enquête sur les listings falsifiés de la société Clearstream. En effet, des documents confidentiels des services secrets français, la DGSE, saisis chez le spécialiste du renseignement Philippe Rondot, ont fait état de l'existence de ce compte à la Tokyo Sowa Bank. Bien qu'aucune preuve directe de l'existence dudit compte, niée formellement par Jacques Chirac, n'a été publiée, le compte serait crédité, à en croire ces pièces, de 300 millions de francs, soit 45 millions d'euros. L'information avait été divulguée pour la première fois par un agent de la DGSE à Tokyo, qui avait été chargé d'une enquête de routine sur Soichi Osada, patron de la Sowa Bank et ami de Jacques Chirac. Dans le document en question, l'agent secret rapportait que cette information sur le compte de Chirac lui avait été fournie par une source identifiée sous le seul nom de code de “Jambage”. Ces informations ont été confirmées par le général Philippe Rondot, qui a enquêté à la demande de l'ancien locataire de l'Elysée sur ces documents de la DGSE. Dans une note versée au dossier Clearstream et publiée par Marianne, le général écrivait en novembre 2001 : “Les affaires se précisent. Selon l'enquêteur au Japon, le compte de JC existe bien. Il est alimenté. TG (télégramme) à venir.” Eva Joly estime qu'il faut que Jacques Chirac réponde des autres affaires concernant des détournements de fonds à la ville de Paris qui lui sont imputés. Selon elle : “Les traces se sont arrêtées toutes fraîches devant la porte de son cabinet. La normalité est qu'il soit convoqué par mes collègues et qu'il réponde de ces suspicions.” Quant aux tentatives de l'ancien locataire de l'Elysée d'échapper à la justice, Eva Joly répond : “Je pense qu'il serait d'une incroyable arrogance que de bricoler et de jouer avec la prescription. Ce serait une forme d'immunité. La seule solution digne d'une grande démocratie, c'est que les enquêtes soient faites.” Cela étant, Jacques Chirac ne reste pas les bras croisés. À en croire le Canard enchaîné, il aurait recruté une équipe d'avocats conduite par Me Jean Veil. La même source ajoute qu'il envisagerait de retarder les demandes d'audition en invoquant des motifs de santé, en attendant une éventuelle loi qui effacerait lesdites “affaires”. K. ABDELKAMEL