On s'achemine vers la formation d'un gouvernement provisoire, composé de représentants des différents groupes ethniques et religieux, qui aura à gérer la transition. Cette question se pose, alors même que la bataille de Bagdad continue à faire rage. Mais bien avant que la guerre ne soit déclarée, les “spin doctors” du Pentagone avaient déjà échafaudé nombre de scénarii quant à l'administration de l'Irak, après la chute du régime de Saddam. Comme pour la reconstruction dont ils entendent bien s'arroger l'exclusivité avec leurs alliés, les Anglais, les Américains cherchent manifestement à régler la question du pouvoir post-Saddam à leur manière. Ce qui paraît d'emblée sûr, c'est que les Nations unies seront confinées dans la gestion du volet humanitaire, et encore. L'Administration US entend ainsi leur faire payer leur alignement sur le camp des partisans de la solution diplomatique, à l'instar de la France et de l'Allemagne qui montent au créneau en plaidant aujourd'hui pour “un rôle central” de l'instance onusienne dans le processus de reconstruction de l'Irak. C'est sans doute pour ses deux pays, qui ont pris la tête du camp pacifiste, le seul moyen d'espérer une part du gâteau dans le juteux marché de la reconstruction. Une grande figure de l'opposition chiite, l'ayatollah Mohamed Bager Hakim, a proposé à des organisations internationales la gestion de l'Irak par l'ONU, après “une fin immédiate” de la guerre. Dans une lettre adressée à Kofi Annan, à la Ligue arabe et à l'Organisation de la Conférence islamique, il propose un plan en cinq points dont le préalable serait “la fin immédiate des hostilités” et “le départ de Saddam Hussein”. Ensuite, les Nations unies “entreront en Irak pour prendre en charge la gestion du pays”. Selon ce plan, les forces de la coalition se retireront selon un calendrier fixé par l'ONU. Laquelle organisation est appelée in fine à “organiser des élections générales libres sous l'égide de l'ONU pour former un gouvernement issu de la volonté de tous les Irakiens”. Dans cette lettre, l'ayatollah Hakim estime que “l'application de ce plan est dans l'intérêt des Irakiens, des peuples de la région et du monde”. Ce plan, soutenu par une figure du chiisme, qui a l'appui de l'Iran, a cependant peu de chance d'être retenu comme hypothèse, tant les Américains veulent rester les seuls maîtres du jeu. Ce que confirme Mme Condoleeza Rice dont les propos sont autant de messages subliminaux pour ce qui souhaite être partie prenante dans la gestion de l'après-guerre. “Nous allons démantelé l'infrastructure tyrannique du régime de Saddam Hussein. Nous travaillerons avec les Irakiens, nos partenaires de la coalition et la communauté internationale pour reconstruire l'Irak. Mais nous laisserons complètement l'Irak sous le contrôle des Irakiens aussi vite que possible”. Le département d'Etat et celui de la Défense américaine s'opposent actuellement sur la composition de cette administration civile provisoire, de la mise en place ensuite d'une autorité irakienne. Mme Rice a souligné vendredi que le département de la Défense, dirigé par Rumsfeld serait “l'agence américaine de tête” dans le fonctionnement de l'Office pour la reconstruction et l'aide humanitaire(ORHA), chargé de remettre l'infrastructure de base en Irak comme l'électricité, l'eau, les services médicaux et la distribution de l'aide alimentaire. La conseillère du président Bush a précisé que l'ORHA sera dirigé par le général à la retraite, Jay Garner, qui avait déjà été chargé de mettre en place une administration provisoire dans le nord de l'Irak, après la guerre de 1991. Le journal Achark Al Awsat abonde un peu dans le même sens en donnant toutefois un peu plus d'indications sur le plan américain. Ainsi l'administration de l'Irak serait confiée à un gouvernement provisoire irakien qui aura la charge de gérer le pays pour une période transitoire, en attendant la formation d'un exécutif qui soit représentatif de l'ensemble des groupes ethniques et confessionnels. Il faut rappeler que Donald Rumsfeld avait précédemment proposé au président Bush de constituer une autorité irakienne composée de représentants de l'opposition en exil. Une hypothèse qui semble écartée, tant cette opposition est peu représentative en plus du fait qu'elle est divisée. Tout comme l'est aussi l'option selon laquelle l'émir jordanien Al Hasan Bnou Tallal était pressenti pour diriger l'Irak en rétablissant la monarchie dans ce pays, relevant précédemment de la couronne du roi Abdallah. Le concerné a démenti cette information tout en exprimant sa disponibilité à assumer une médiation. N. S.