Alors que des centaines de jeunes chantent dans les stades et ailleurs que « mieux avoir un visa et déchirer les papiers algériens », beaucoup d'émigrés choisissent de faire le chemin inverse et de revenir au pays. Pourquoi le font-ils ? Quel est leur profil ? Que deviennent-ils en Algérie ? Une étude réalisée par le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) dresse le portrait de ces Algériens qui reviennent au bercail. La tendance des Algériens de retour au pays s'est nettement accélérée ces dernières années. Alors que le volume moyen de retour des ressortissants algériens, en 1998, était de l'ordre de 2600 personnes par an (selon le recensement général de la population et de l'habitat), il est estimé aujourd'hui entre 5000 et 6000 personnes (d'après les douanes). A quoi peut-on imputer cette tendance ? A l'amélioration de la situation sécuritaire et économique en Algérie ? A la politique très restrictive envers les émigrés menée par le ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy ? A l'appel de Bouteflika aux ressortissants algériens ? Le fait est que non seulement de plus en plus d'émigrés algériens reviennent au « bled », mais que l'installation d'Algériens en Europe marque une baisse assez importante. Rien qu'en France, la communauté algérienne est passée de 21,7% en 1982 à 17,1% en 1990 pour descendre jusqu'à 14,6% en 1999. Plus étonnant encore, selon le baromètre « Immigration et présence étrangère en France en 2002 » établi par le gouvernement français, le volume des immigrés algériens qui retournent au pays est deux fois plus important que celui d'autres nationalités. Ce rapport établit à 12.751 le nombre d'Algériens rentrés en quelques années (plus d'une décennie) contre 4068 Marocains et 4522 Turcs. Le rapport du gouvernement français peut être considéré comme un élément pouvant donner la température de ce phénomène dans les années à venir puisque 94% des migrants algériens de retour viennent de France. L'étude du Cread menée par Mohamed Saib Musette en collaboration avec l'Institut universitaire européen précise que les migrants de retour au pays s'installent en priorité dans la région algéroise, puis en deuxième position dans les zones rurales agglomérées. Les anciens émigrés se concentrent ainsi à plus de 60% dans les zones urbaines. Globalement, ils ont près de 44 ans, mais nous pouvons observer la prédominance des âges avancés des hommes pour les 60 ans et plus et un taux assez élevé de jeunes filles entre 15 et 29 ans. Le taux de personnes mariées est de 71% contre 24% de célibataires. Au total, l'examen de la situation des migrants de retour peut être résumé, selon les chercheurs du Cread, en quatre situations distinctes : 34% de personnes actives, 12% de scolarisés, 28% de retraités ou pensionnés, 26% de femmes inactives. Près de 35% des migrants de retour déclarent travailler dans les services administratifs ainsi que les services et les commerces (près de 15%). Ces trois secteurs concentrent ainsi, d'après l'étude, la majorité des personnes qui reviennent au pays. Il y a, en tout et pour tout, 60% des salariés permanents et 25% d'indépendants. « Algérianité » L'on peut relever dans le rapport du Cread des points qui paraissent assez singuliers. Premier fait curieux : sur l'ensemble des migrants de nationalité algérienne, près du quart (24,2%) est né à l'étranger. L'un d'entre eux, interrogé sur le sujet, a estimé que son retour était lié à une question « d'algérianité ». Cette frange, issue de la deuxième génération d'immigrés, est généralement jeune (moyenne d'âge 26 ans), célibataire (55% de célibataires contre 14% pour ceux qui sont nés en Algérie) et s'est toujours sentie coincée entre deux cultures. Les émigrés nés en Algérie, eux, retournent au pays à un âge plus avancé (42 ans) et sont généralement mariés. Deuxième fait curieux : très peu de femmes algériennes prennent le chemin du retour. Il y a, selon le Cread, une forte dominance des hommes qui sont retournés au pays (66%) contre seulement 33% de femmes. Le niveau d'instruction des femmes de retour, souligne-t-on, est beaucoup plus élevé par rapport à celui de la gent masculine. En tout état de cause, les émigrés de retour semblent jouir d'une bonne situation financière. Plus de 60% d'entre eux sont propriétaires de leurs logements (66% de maisons individuelles) et près de 12% habitent dans des maisons traditionnelles. Le taux des ménages qui habitent dans des bidonvilles est de moins de 2%. Le retour des émigrés a, par ailleurs, induit une croissance extrêmement forte des transferts de devises ces cinq dernières années. L'année 2004 semble être exceptionnelle avec un plafond de 226 millions de dollars. « Une rapide analyse des produits transférés démontre la prédominance des effets personnels et des véhicules », glissent les chercheurs du Cread. Cette étude pourrait briser de faux mythes selon lesquels les émigrés algériens partent pour ne jamais revenir, mais il reste que cette tendance est tributaire de la situation économique du pays.