À l'époque même où elle devait être affichée à son cours plancher de l'année, et en son propre vaste bassin de production, dame pomme de terre vient de franchir la cote d'alerte des 50 DA/kg. Une côte qui augure certainement une bien rude épreuve pour la bourse du consommateur algérien. Par sa pénurie qui n'a pas tardé à se traduire par une flambée alarmante de son prix, la pomme de terre avait vivement animé, l'automne dernier, la polémique entre les ministères concernés. Chaque département se “disculpait” de l'origine de la crise en “mouillant” son pair, alors que le consommateur peinait à subir les caprices de la pomme de terre. La crise fut momentanément désamorcée, mais voilà qu'elle vient d'être enclenchée, beaucoup plus précocement que d'habitude ! L'humidité excessive et la chaleur ! Il ne pouvait y avoir meilleures conditions pour la prolifération des maladies cryptogamiques. Il y a bien des décennies qu'un mois d'avril n'ait été aussi pluvieux que cette année ! Ainsi, après une campagne de plantation perturbée et particulièrement catastrophique en raison de l'injonction des pouvoirs publics, du CRMA qui s'est mise à une étrange répartition des subventions de l'Etat sous forme de crédit pour l'achat des semences, ainsi que les spéculateurs qui ne ratent jamais une aubaine aussi copieuse, l'octroi arbitraire, c'est avec les pires difficultés que les fellahs ont pu mener leur culture de pomme de terre. Tout d'abord, la période de plantation, qui dans la région de Mostaganem, débute habituellement au mois de décembre pour être achevée vers la mi-février au plus tard, a été différée de plusieurs jours, voire semaines, particulièrement déterminants pour cette spéculation agricole. Un décalage fatal qui fut imposé par l'arrivée tardive de la semence importée et des cours spéculatifs de cette semence. Les champs les plus précoces subiront au mois de mars une première épreuve de gelée noire qui, décimant partiellement les plantations, plongea dans le désarroi les agriculteurs. À la faveur des journées copieusement pluvieuses qui suivirent, les jeunes pousses reprirent et l'espoir renaquit. Mais pas pour longtemps. Favorisées les conditions climatiques idéales pour la propagation, conjuguées à l'empirisme qui fonde largement le savoir-faire des fellahs, les attaques fréquentes et répétées du mildiou, n'en seront que préjudiciables, fatales même ! Eu égard au stade végétatif suffisamment vigoureux atteint, seuls les champs ensemencés en décembre échappèrent au ravage du véritable fléau. Un ravage qui aura pour conséquence la précipitation de l'arrachage des tubercules, plusieurs jours avant leur maturité complète, également encouragée par un cours dépassant les 30 DA/kg affiché à l'époque. Malheureusement, “l'aubaine” relative ne tarda pas à s'estomper par la surproduction inconsidérément provoquée, juste pour échapper à la ruine du mildiou. Ainsi, les cours dégringolèrent jusqu'en deçà des seuils des coûts de production ; l'essentiel, voire le vital, étant de récupérer, ne serait-ce qu'une partie des frais engagés ! Les dégâts affecteront les deux tiers de la production de la wilaya de Mostaganem qui, par sa précoce sole tournant autour des cinq mille hectares annuellement plantés, s'acquittait du rôle pilote décisif pour modérer le marché de ce produit agricole. La situation demeure particulièrement critique du moment que les wilayas d'Aïn Defla et Chlef, qui habituellement emboîtaient le pas à Mostaganem par la mise sur le marché de l'offre sollicitée sans effet spéculatif sur les cours, ont également été sérieusement touchées par le fléau du mildiou, à l'instar de toutes les régions de production de la pomme de terre ! La conséquence du désastre se fait, d'ores et déjà, sentir ! Si, au moment même où sa production bat son plein, la pomme de terre ait franchi le cap des 50 DA/kg, il serait fort légitime de présager le pire, aussitôt les derniers tubercules auront quitté les champs ! C'est une pure logique de l'économie de marché, à laquelle il n'est point besoin d'adjoindre le concours des spéculateurs auxquels on ne tardera certainement pas à endosser l'origine de la crise ! La sonnette d'alarme a été tirée, il relèverait du ressort des pouvoirs publics de décider de la suite à donner à la crise qui pointe ! M. O. T.