Après quelques jours d'incertitudes, la composition du nouveau gouvernement a été annoncée, contre toute attente, avant-hier. Le suspense a été finalement de courte durée, et le chef de l'Etat a pris à contre-pied tous les pronostics qui pariaient tantôt sur une équipe de technocrates, tantôt sur un gouvernement d'union nationale. Après le séisme politique de l'abstention massive aux élections législatives du 17 mai, d'aucuns s'attendaient à un remaniement de fond en comble de l'équipe gouvernementale. Il n'en fut rien. Le président Bouteflika a opté pour la sécurité du statu quo que de prendre de nouvelles initiatives. Car, estiment des observateurs de la scène politique, reconduire dans sa quasi-totalité l'équipe gouvernementale sortante, c'est faire peu de cas de la réponse des citoyens qui ont massivement boudé les urnes le 17 mai dernier. Seule surprise : la nomination au ministère des Affaires étrangères de Mourad Medelci, un responsable dont le profil et le cheminement ne le prédestinaient pas à l'exercice d'une telle fonction. Mais on sait, avec Mohamed Bedjaoui comme avec Mourad Medelci, la diplomatie est et restera une affaire personnelle du président Bouteflika. Le nouveau ministre apparaîtra rapidement comme un “sherpa” du chef de l'Etat, responsable principal de la diplomatie algérienne, pour le suivi des dossiers de l'entrée de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la création d'une zone Open Sky avec l'Union européenne. L'accord Open Sky (ciel ouvert) devrait permettre l'ouverture du ciel algérien à la concurrence européenne. Le Maroc l'a signé avec l'UE en décembre 2006. L'Algérie est depuis 1987, candidate au GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), l'ancêtre de l'OMC. Les négociations n'ont progressé que lentement depuis la création de l'OMC en 1995, Alger n'ayant fourni une première documentation sur son régime commercial qu'en 1996. La première réunion du groupe de travail chargé d'examiner la candidature a eu lieu en 1998. Mourad Medelci, un technicien de l'économie, des finances et du commerce, semble avoir le profil idéal pour mener à terme les négociations avec l'OMC, d'autant plus que l'Algérie doit encore franchir beaucoup d'obstacles, notamment ouvrir ses services énergétiques à la concurrence et unifier ses prix pétroliers avant d'être admise au sein de cette organisation. Mourad Medelci a occupé depuis mai 2005 le portefeuille des Finances successivement dans les gouvernements de Ahmed Ouyahia — jusqu'en mai 2006 —, puis de Abdelaziz Belkhadem. Il remplace à ce poste Mohamed Bedjaoui, qui quitte le gouvernement à sa demande. Certaines sources affirment que le désormais ex-ministre des Affaires étrangères avait émis le vœu, il y a plus de deux mois, d'être déchargé de ses fonctions et aurait même remis sa démission au chef de l'Etat. En tant que ministre des Finances, Medelci avait mené à terme la politique de désendettement de l'Algérie, en signant des contrats de remboursement anticipé de la dette algérienne avec les 16 créanciers du Club de Paris (dette publique). La dette algérienne a été ainsi ramenée à environ 5 milliards de dollars en 2006, contre plus de 34 milliards de dollars une décennie auparavant. L'Algérie a profité de l'embellie pétrolière internationale à partir de 2005 pour lancer cette opération. Né le 30 avril 1943 à Tlemcen, M. Medelci est titulaire d'un diplôme d'études supérieures en sciences économiques. Il commence sa carrière comme attaché financier à la société publique algérienne d'électricité et de gaz (Sonelgaz), avant d'être nommé en 1966 directeur financier de l'Organisme de coopération industrielle (OCI) franco-algérien, une des pépinières de la formation des cadres de l'industrie en Algérie. Il est ensuite nommé à la tête de plusieurs entreprises publiques, avant d'être désigné en 1981 secrétaire général du ministère du Commerce, puis, en juin 1988, président d'un holding public regroupant plusieurs sociétés industrielles. En novembre 1988, il est nommé ministre du Commerce par feu Kasdi Merbah. Laissé à l'écart par Mouloud Hamrouche, il fait son retour dans le gouvernement Ghozali en tant que ministre délégué au Budget en juin 1991. Il quitte le gouvernement en 1992 et ne revient qu'en décembre 1999 dans le cabinet de Ahmed Benbitour en tant que ministre du Commerce. Rafik Benkaci