Les insuffisances du système bancaire, notamment les difficultés d'accès aux financements, constituent, du reste, le terreau à l'économie informelle qui représente 35% de la richesse nationale. “L'Algérie est perçue comme un pays qui souffre d'un handicap institutionnel.” C'est du moins ce que relève un document de l'OCDE publié le 14 mai dernier. La réforme des institutions, note le rapport, “tarde à produire ses effets et constitue un écueil pour une croissance économique durable”. Les bons résultats macroéconomiques ne parviennent pas à influencer positivement et durablement la sphère réelle en générant une croissance substantielle de l'industrie et une diversification des exportations. L'investissement privé reste peu dynamique du fait d'un climat des affaires encore peu incitatif (problèmes du foncier industriel, du financement bancaire, de la corruption, etc.). Deux secteurs sont à l'index. La justice et les finances. “Les secteurs de la justice et de la finance constituent les entraves essentielles à l'amélioration du climat des affaires”, souligne le document. Faisant référence à une étude de la Banque mondiale, l'OCDE constate que sur 14 pays appartenant à la région Mena (pays d'Afrique du Nord, du Proche et Moyen-Orient) et au PECO (pays d'Europe centrale et orientale) et exportateurs de pétrole, l'Algérie est classée entre le neuvième et le dernier rang. L'analyse, explique le document de l'OCDE, se base sur la pondération de six critères (responsabilité, stabilité politique, gouvernance, qualité de la régularité, rôle de la loi et corruption). Les critères les plus critiqués en Algérie concernent la qualité de la régularité et le rôle de la loi. “C'est le secteur de la justice qui est le plus concerné. La communauté des affaires a une confiance limitée dans l'impartialité du système judiciaire, par ailleurs considéré comme lent et inefficace”, relève le rapport. La réforme de la justice engagée depuis 2001 a plus ou moins permis l'adaptation du cadre judiciaire algérien aux nécessités d'une économie de marché, reconnaît l'OCDE. Cependant “son application souffre d'une insuffisance de procédures, de magistrats qualifiés dans le domaine du droit commercial (notamment le droit des obligations et des contrats) et d'une capacité administrative et technique d'évaluation et de mise en œuvre des décisions de justice”. Du coup, suggère le document, “le renforcement de la capacité technique des magistrats en matière de droit commercial apparaît comme une nécessité”. Le financement est l'autre contrainte majeure du climat des affaires. “Un investisseur potentiel doit attendre quatre mois en moyenne pour connaître le sort d'une demande d'un crédit d'exploitation et près de six mois pour un crédit d'investissement. Le recours au financement externe (bancaire et autres) intervient à raison de 25% dans l'exploitation et à 30% dans l'investissement”, rapporte l'OCDE. La faiblesse de ces taux, explique-t-on, révèle celle de la bancarisation de l'économie algérienne et de l'intermédiation bancaire, ainsi que des problèmes relevant à la fois des conditions de l'offre de crédit (fonctionnement du système bancaire et financier) et de la demande de crédit (comportement des entreprises). La liste des griefs est encore longue : le système de paiement est extrêmement lent ; ce qui incite aux transactions en espèces même pour des montants importants. La moitié de la masse monétaire au sens large est détenue en espèces. L'inexistence d'un marché de capitaux à risque est une caractéristique majeure du marché financier algérien quand on aborde la question du financement de l'investissement. N'étant pas configurées pour prendre des risques, les banques préfèrent s'orienter vers des marchés lucratifs et moins risqués. La profondeur financière (ratio entre le crédit au secteur privé et le PIB) ne dépasse pas 12% en Algérie contre 140% en Chine et 100% pour la Corée et la Thaïlande. “De telles insuffisances constituent de fait un terreau pour l'économie informelle qui représente 35% du PIB”, souligne le document de l'OCDE, estimant que “le handicap institutionnel alourdit le coût de transaction pour les petites entreprises. Et celles-ci auront tendance à se réfugier dans l'informel pour résister à la concurrence de plus en plus intense avec l'ouverture au marché extérieur”. Il est clair pour l'OCDE que “les entreprises qui ne déclarent pas le résultat de leur activité ou qui n'en déclarent qu'une partie ont tendance à éviter le système bancaire car il constitue un contrôle a posteriori. À cela vient s'ajouter le statut de la propriété, qui reste encore dans le giron familial quand il s'agit des petites entreprises, préférant largement l'épargne familiale à l'épargne intermédiée”. Synthèse Meziane Rabhi