Les conseillers du Cnes soulignent que l'Algérie est beaucoup plus consommatrice que productrice de services. “La phase de croissance que traverse l'économie nationale ne montre toujours pas de lignes directrices claires en termes de choix économiques et sociaux tellement les signaux émis sont voilés par les pesanteurs socioéconomiques”. C'est ce qui ressort du rapport sur la conjoncture économique et sociale du 2e semestre 2004, élaboré par le Conseil national économique et social qui tient enfin sa 26e session aujourd'hui et demain au Palais des nations au Club-des-Pins. Le rapport sur la conjoncture, tout en mettant en exergue les performances réalisées, estime que “le panorama de l'économie nationale reste toutefois paradoxalement entre une aisance financière inégalée, avec une quantité importante de ressources oisives (inutilisées) négligence des instruments de programmation, une panne des projets bancables et une pauvreté frappante sur le plan entrepreunarial”. Le Conseil national économique et social, pose le problème de cohérence du système économique et des appuis sur lesquels il repose. “La perspective d'une économie fortement atomisée, sans structures stables et sans repères fait craindre un avenir livré à toutes les incertitudes”, avertit le rapport. L'économie de marché, nous dit-on, tant espérée au niveau des pratiques et des mécanismes “reste encore absente”. L'une des caractéristiques, qui a marqué la conjoncture de 2004, est la forte croissance des importations qui n'ont, en fait, pas cessé d'augmenter ces dernières années, plus rapidement que le produit intérieur brut (PIB), c'est-à-dire qu'il a été enregistré au fil des années une hausse des importations de produits alimentaires. Les céréales, dont les semoules, farines et laits représentent à elles seules, plus de 62% de la structure globale, soit 2,1 milliards de dollars. Le groupe des biens de consommation alimentaires continue à représenter une proportion appréciable dans la structure des importations avec un montant de 3,6 milliards de dollars soit un accroissement de près de 20% sur un an. Ce qui inquiète le Cnes, c'est que “la contrepartie économique de revenus distribués semble de plus en plus fléchir et que la prestation de services extérieurs devient de plus en plus pesante”. Les importations de services sont passées de 2,9 à 4,2 milliards de dollars entre 2003 et 2004. “L'économie algérienne consomme des services sans être capables d'en produire et les prolongements des activités productives au niveau des prestations de services sont faibles”, constate le Cnes. La tendance évolutive des importations de marchandises et l'élargissement du déficit des services remettent au-devant de la scène la question de compétitivité externe de l'économie au moment où la mise en œuvre de l'accord d'association est annoncé pour septembre prochain, avec comme perspective, l'adhésion à l'OMC prévue au plus tard l'année prochaine. À l'autre extrémité, relève le Cnes, “les contre-performances enregistrées au niveau des exportations hors hydrocarbures continuent de nourrir, beaucoup d'inquiétudes”. Elles traduisent, explique le rapport, “la fragilité du système productif et la soutenabilité interne des principaux équilibres macro-financiers de l'économie”. Le Cnes, rappelle-t-il, “a eu déjà à souligner que le sens et l'opportunité d'une réflexion axée sur le long terme ont un caractère stratégique avéré”. Il est nécessaire, estime-t-il, “de soustraire l'économie nationale aux influences et à l'empire du court terme”. L'accélération des réformes structurelles du système bancaire et financier, pour le Cnes, “est d'une urgence signalée”. Les limites du processus de transformation de l'épargne en investissement illustrent l'ampleur du retard observé dans le domaine de la réforme financière. De plus en plus, note le Cnes, “les difficultés à conduire les changements dans les banques publiques se doublent de l'insuffisance des instruments de gestion et d'excès de prudence à l'égard de la prise de risque”. Le retard pris dans les domaines des moyens de paiement et la prolifération de la circulation informelle rappellent “les limites de la régulation monétaire”. Le Cnes parle de rareté d'instruments financiers, de crédits coûteux et sélectifs et de pauvreté d'instruments et de mécanismes de financement de l'investissement. Le rapport du Cnes, note que “malgré des impulsions de plus en plus fortes surtout aux niveau législatif, réglementaire et organisationnel, les structures économiques évoluent lentement, souvent pas dans le sens souhaité”. L'économie, nous dit le Cnes, souffre depuis de longues années “de réformes économiques mal préparées et mal conduites et de l'absence d'un projet clair de reconfiguration des structures productives et sociales”. La mise en place d'une économie de marché à demi-teinte “a contribué à exacerber les contradictions et les frustrations, accroître les disparités et amplifier les pratiques illégales et informelles”. Les faiblesses du capital humain, de l'économie de la connaissance, de management et de gouvernance, qui constituent des pré-requis importants dans la conduite des réformes suscitent des inquiétudes grandissantes. Repères - L'année 2004 a été caractérisée par une série d'excédents financiers. En particulier, le solde (positif) du Trésor a atteint y compris le fonds de régulation 35 000 milliards de centimes. - La dette publique atteint en 2004 2 234 milliards de dinars. - La banque publique BEA se retrouve depuis deux ans avec des ressources non utilisées de l'ordre de 20 000 milliards de centimes. - La participation du système bancaire au financement du logement ne dépasse pas 10%. - Le taux de bancarisation en Algérie est l'un des plus faibles dans le bassin méditerranéen. - 45% des retraités vivent avec des pensions dérisoires et 60 000 ménages vivent avec des pensions inférieures au SMIG. - 16 468 logements ont été livrés en 2004, en augmentation de 7 104 logements par rapport à 2003. (24 668 logements sociaux) ont été livrés l'année dernière 129 935 logements ont été lancés en 2004 ( en augmentation de 32 771 logements). - Le cadre de vie du citoyen continue de se dégrader dans la plupart des cités et villes du pays (problèmes d'urbanisme). - Pratiquement dans toutes les villes, le service d'eau n'est pas continu. - En Algérie, sur 4 CD vendus , trois sont piratés. - Près de 1 600 marchés informels sont recensés. - La contrefaçon prend également de l'ampleur. Par exemple, elle engendre un manque à gagner de 30 milliards de dinars pour la Snta. - La consommation révèle les inégalités au sein de la population : 30% de la population absorbe 55 % de la consommation globale. Meziane rabhi