La “libération” de l'Irak est en phase de tourner à l'occupation. La guerre finie, une autre débute sur les décombres d'un Irak anéanti. En Irlande, Bush confirme sa résolution à conduire seul “la reconstruction” de l'Irak et son allié britannique se résoud à assumer l'option monopoliste du grand frère. L'après-Saddam sera américain. L'ONU est reléguée à une fonction humanitaire dont elle n'a pas les moyens si la résolution “pétrole contre nourriture” est dénoncée sur le terrain par la puissance occupante. L'organisation internationale subit le plus grand désaveu de son histoire : la superpuissance prévient de passer outre ses résolutions si elles ne convenaient plus à ses intentions en Irak. Les Nations unies devront se contenter d'un rôle “vital”, au sens alimentaire, dans l'Irak vaincu. Les protestations du “front du refus” qui, par la voix de Chirac, exige un rôle “central” pour l'organisation moribonde, ont peu de chances de changer le cours des choses : désormais et jusqu'à un nouvel ordre... mondial, il va falloir traiter avec l'unilatéralisme américain. La réhabilitation de l'ONU à laquelle le trio France-Allemagne-Russie tend à essayer de prévenir leur exclusion de la restructuration des rapports internationaux, tout au moins de la recomposition politique de l'espace moyen-oriental, a peu de chance d'aboutir. Bush dispose de son plan de réforme politique de la région à laquelle d'autres évolutions seront probablement imposées en fonction de la théorie des dominos et de sa feuille de route pour la résolution de la crise israélo-palestinienne. La question irakienne a révélé une limite tragique du système de Nations unies : son autorité ne s'applique qu'aux plus faibles. Ce travers fait que, paradoxalement, la justice internationale ne peut plus remplir la mission même qui la justifie : protéger les plus faibles de l'agression des plus forts. L'unilatéralisme de Bush dévoile l'unilatéralisme, dans la pratique du droit international. Ce fait est flagrant dans la gestion du dossier israélo-palestinien : le veto américain fonctionne depuis des décennies comme l'instrument de l'impunité israélienne et la communauté internationale a toujours été contrainte par le système du Conseil de sécurité à constater son impuissance à intervenir contre les initiatives les plus criminelles des régimes de Tel-Aviv. De ce point de vue, il était temps que le problème de la capacité des Nations unies à remplir sa fonction arbitrale soit posé. Et tant mieux, sur le plan pédagogique, qu'il soit posé par la puissance qui a abusé de son droit de blocage contre les résolutions de la communauté internationale. L'ONU avait besoin de se regarder dans son impuissance. Même si c'est l'Amérique qui fait preuve de cette impuissance parce qu'elle a besoin de plus de liberté d'action pour instituer un ordre plus arbitraire, elle fournit au monde une opportunité de reconsidérer la finalité et les modalités d'un gouvernement du monde. A quelque chose malheur pourrait être bon. M. H.