Colin Powell et ses homologues européens ne sont pas parvenus à s'entendre sur le rôle de l'Onu dans la reconstruction et la direction de l'Irak de l'après-guerre. Le chef de la diplomatie de la Maison-Blanche a entamé son travail à Ankara où il a tenté de dégeler les relations américano-turques, “tièdes” après le refus du pays d'Erdogan d'autoriser le déploiement sur son territoire des 62 000 soldats US qui devaient envahir l'Irak par le Nord. L'aide d'un soutien logistique de la Turquie en échange d'un milliard de dollars assurée, Colin Powell a pris la direction de Bruxelles pour renouer avec la “Vieille Europe”. Partagée, l'Union européenne essayait d'avoir une position cohérente quant à sa part dans le marché irakien de l'après-guerre. Il n'était point facile de parvenir à un consensus sur le sujet surtout que les antiguerres persistaient dans leur position exigeant que la tâche de reconstruction de l'Irak soit confiée aux Nations unies. En effet, Paris et Berlin n'avaient pas attendu le début des travaux pour réaffirmer leur détermination à voir l'Onu prendre en charge l'avenir de Bagdad. Cette façon de voir n'a pas été du goût du représentant de George Bush ainsi que de l'inconditionnel allié britannique, bien qu'il soit membre de l'Union européenne qui, se considérant comme les “libérateurs” de l'Irak, s'estiment logiquement les plus grands bénéficiaires du “gâteau”. D'ailleurs, l'administration Bush s'est efforcée de dissuader le congrès de voter un amendement écartant la France et l'Allemagne, la Chine, la Russie et la Syrie des contrats de reconstruction de l'Irak. Ces amendements ont été présentés dans le cadre du vote du budget supplémentaire de près de quatre-vingts milliards de dollars pour financer la guerre. Pis, Richard Perle, dont le rôle dans le déclenchement de cette guerre, est très important avant qu'il ne démissionne de son poste de conseiller au pentagone, s'en est directement pris à la France. Dans une déclaration à France 3, il a laissé entendre que dans la mesure où la France n'a pas “adhéré au club” des pays en guerre contre l'Irak, il n'y a pas de raison qu'elle aille “au dîner du club”, c'est-à-dire qu'elle bénéficie de la reconstruction. Mais comme le pays de Saddam Hussein n'est pas un pays “ordinaire”, en raison de ses importantes richesses, dont les 12% des réserves mondiales du pétrole, il est clair que chacun veuille s'assurer une part à la mesure de ses ambitions sur la scène internationale. Partant de là, la rencontre de Bruxelles ne pouvait apporter rien de nouveau sur ce plan. Ce qui devait arriver arriva avec l'annonce de Colin Powell assurant que les Nations unies auront, certes, un rôle à jouer dans la reconstruction de l'Irak, néanmoins la nature et l'importance de ce rôle sont loin d'être encore arrêtés. Voilà une manière très claire de montrer que les Etats-Unis ne sont point disposés à faire preuve de gratitude envers les pays qui se sont opposés à sa “croisade” unilatérale contre le régime de Saddam Hussein. Cependant, la porte n'a pas été totalement fermée par Washington, qui ne tient pas à perdre définitivement ses alliés d'hier et inévitablement de demain, en raison des liens très étroits existant entre les deux parties et surtout des intérêts communs. La réunion de Bruxelles n'aura été, en fin de compte, que l'amorce d'une réconciliation entre Washington et une partie de ses alliés qui lui avaient momentanément tourné le dos, pour montrer au monde leur importance sur la scène internationale, mais au fond, le motif du différend était le partage du “gâteau irakien”. Ce problème est loin d'être réglé à voir les résultats sur lesquels se sont séparés, jeudi, Colin Powell et ses homologues de l'Union européenne. Les Etats-Unis ont fait un premier pas vers la réconciliation, mais celui-ci devra être suivi par des concessions si la Maison-Blanche cherche réellement à ressouder ses rangs avec la “Vieille Europe”. K. A.