La précipitation dans laquelle a été présenté le texte laisse supposer que le gouvernement cherche à boucler et bâcler le dossier. Le grand débat promis par Khalida Toumi sur l'avant-projet de loi sur l'information a tourné court. Le texte diffusé lundi dernier sur le site Internet du ministère de la Communication n'a pas suscité l'intérêt et l'enthousiasme des professionnels de la presse. La faible participation des journalistes à la journée d'information, organisée par le département de la communication jeudi au Palais de la culture, prouve qu'ils n'adhèrent pas à la démarche initiée par Mme Toumi ou tout au moins qu'ils n'y accordent pas un grand crédit. Au cours de cette “réunion”, la ministre de tutelle a exposé les objectifs et la vision du gouvernement à travers le lancement du débat sur la presse. Elle a émis le souhait que “cette rencontre soit le prélude à une relation sincère, responsable et féconde entre la corporation et le ministère de la Communication, deux partenaires animés par la même préoccupation : la consolidation de l'exercice de la liberté de la presse comme corollaire d'une liberté constitutionnelle…” Elle a, par ailleurs, saisi l'occasion pour rappeler les principes fondamentaux contenus dans le document soumis à la discussion, à savoir “le choix irréversible de l'Algérie pour l'ouverture démocratique, la consécration de la liberté de la presse comme droit constitutionnel et la préservation des droits de l'Etat”. Ce dernier point nécessite d'ailleurs une explication en raison de son ambiguïté. Le premier responsable de ce secteur affirme avoir “pris note des premiers échos et des premières observations suscitées par la mise en ligne du pré-avant projet”.Tout en souhaitant que le statut du journaliste soit au centre du débat, elle a lancé à leur adresse un vœu en déclarant : “C'est dans ce souci que nous vous demandons une contribution concrète qui enrichira cet avant-projet. Je suis persuadée que vous avez certainement des propositions pertinentes à formuler.” Ces déclarations pourraient n'être que de simples professions de foi si l'on en juge par la manière avec laquelle a agi le département de la communication en décidant la tenue d'une journée de travail dans la précipitation. Les organisateurs ont invité plusieurs personnes n'ayant rien à voir avec le thème de la rencontre. Une manière comme une autre de noyer le débat. Les intervenants à la rencontre de jeudi dernier font état de remarques portant davantage sur la forme que sur le fond. L'empressement des pouvoirs publics à engager la discussion sur cette question dans le contexte actuel a soulevé les interrogations des participants qui ont estimé que l'avenir de la presse nécessite un débat large, serein et responsable. La précipitation avec laquelle a été présenté le texte qui régira le secteur dans les années à venir laisse supposer que le gouvernement cherche à boucler – voire à bâcler — un dossier qui a toujours été mal abordé par les différents exécutifs qui se sont succédé depuis l'Indépendance. Le ministère de la Communication n'a pas laissé le temps nécessaire aux journalistes pour lire, analyser et décortiquer un texte d'une importance capitale pour la corporation. Peut-on réellement demander aux professionnels de la presse d'engager une véritable réflexion sur un document quarante-huit heures après sa diffusion ? Peut-on débattre du fond quand la forme n'est pas respectée ? Peut-on lancer un débat public sans se soucier des modalités pratiques d'organisation ? Autant de détails techniques, négligés par Khalida Toumi, qui font qu'aujourd'hui on est loin du grand débat attendu sur l'avenir de la profession. Pour ce faire, le département de la communication doit revoir sa démarche. L'examen d'un tel avant-projet de loi nécessite l'organisation d'une large consultation avec les professionnels de la presse et les différents intervenants dans le secteur pour, enfin, aboutir à une rencontre nationale qui pourrait être les assises de la presse. Mais une telle démarche a besoin d'une grande préparation excluant toute précipitation, marginalisation et démagogie. Le débat sur l'avenir de la corporation est plus que nécessaire sauf qu'il doit se dérouler dans la transparence et la franchise sans complexe ni arrière-pensées politiques. Toutes les questions doivent être discutées : du respect de l'éthique et la déontologie au libre accès aux sources de l'information en passant par la condamnation de la diffamation, la levée de tous les verrous et la suppression des monopoles, tous les monopoles. Ces points méritent d'être largement débattus par les professionnels dans un cadre organisé pour donner un nouveau souffle et un saut qualitatif à la presse nationale. M. A. O.