Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, l'ex-french-doctor, a souligné à Bagdad que la page du différend transatlantique entre la France et les Etats-Unis est tournée. Sarkozy n'a jamais caché son pro-américanisme. L'ex-figure emblématique du PS, recyclé dans le système Sarkozy, a beau jurer ne pas être passé par les Américains pour se rendre en Irak, sa visite dans ce pays est symbolique du glissement de la France dans le bercail américain. Les observateurs et l'opposition française parlent, eux, d'alignement sur les Etats-Unis. En outre, le choix du promoteur des ingérences humanitaires apparaît aujourd'hui clairement. Kouchner n'a-t-il pas été parmi les personnalités françaises qui avaient applaudi l'invasion américaine de l'Irak et critiqué l'ex-président Jacques Chirac pour sa ferme opposition, partant, pour toute sa politique arabe ? Du reste, Kouchner a lui-même gaffé en avouant avoir prévenu la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, de son voyage. Il reste que sa visite à Bagdad fait perdre à la France le bénéfice de son non-alignement aux Etats-Unis, comme le lui a reproché vivement l'ancien ministre socialiste, Jean-Pierre Chevènement, qui a qualifié le séjour de Kouchner en Irak de voyage à Canossa. L'accusation vaut son pesant d'or venant d'une personnalité qui avait quitté son poste de ministre de la Défense pour manifester son désaccord avec la première guerre du Golfe en 1991. Face à l'avalanche de critiques, le chef de la diplomatie française a avoué que la politique française vis-à-vis de l'Irak avait évolué avec l'arrivée du président Nicolas Sarkozy. Et, pour ne pas essuyer d'autres critiques, le ministre a défendu l'idée que la France pourra désormais apporter sa pleine contribution à la sortie des Etats-Unis du bourbier irakien. Encore faudra-t-il que la France ait gardé son prestige chez les Arabes. L'alignement de la France sur les Etats-Unis n'est ni un mystère ni un secret. Sarkozy n'a jamais caché son inclinaison pour l'atlantisme, ne manquant pas de jeter des fleurs au locataire de la Maison-Blanche chez qui il a passé son premier congé d'été en qualité de président de la République. D'ailleurs, il a certainement coordonné le voyage irakien de Kouchner lors du barbecue offert à son intention par Bush, dans la résidence d'été de ce dernier. Il est déjà loin le temps où Paris parvenait à faire voter une résolution de l'ONU (avril 1995) autorisant l'Irak à vendre une quantité limitée de pétrole pour acheter nourriture et médicaments. Ou celui de janvier-février 1998, lorsque la France joua un rôle important dans la crise opposant Bagdad et l'ONU, en proposant des solutions pour permettre aux inspecteurs onusiens d'avoir un libre accès aux sites pouvant cacher les fameuses armes de destruction massive. Ou ce mois d'août 2002, lorsque le président Jacques Chirac condamne toute action militaire unilatérale et préventive des Etats-Unis contre l'Irak et de mars 2003 lorsque le même Chirac sort de ses gonds après les premiers bombardements américains sur Bagdad. D. Bouatta