La commune montagneuse de Chigara, perchée à plus de mille mètres d'altitude sur le massif de M'Cid Aïcha, est une région entièrement rurale. Comptant 17 000 âmes environ, cette contrée du nord- ouest de Mila se caractérise notamment par ses reliefs abrupts et son sol rocheux, relativement pauvre. De toutes les activités agricoles, de subsistance en général, pratiquées, la culture de l'opuntia, ce végétale qui produit les délicieuses figues de barbarie, reste incontestablement la plus importante. Plante des sols siliceux par excellence, l'opuntia fleurit dans cette région, formant de luxuriants bouquets sur les hauteurs, où d'inextricables haies vives autour des jardins et des îlots de maisons. À Chigara, il n'y a pas de famille qui ne possède pas au moins une plantation. Demandant peu de soin, l'opuntia est d'un excellent rapport, comme en témoignent les habitants, pour peu qu'il ne soit pas endommagé par les avalanches et les chutes de neige en hiver, comme cela a été le cas en 2005. Cette année-là, en effet, le plus important créneau économique de la région a été fortement éprouvé par les tempêtes de neige qui ont occasionné des éboulements et d'importants glissements de terrain ayant causé de graves dégâts aux plantations d'opuntia. La culture de cette plante aux fruits épineux a toujours participé à faire vivre des familles dans la région. Elle constitue aux côtés de l'élevage animal et de la culture de l'olivier, l'une des principales activités économiques de Chigara. De mémoire des gens de la région, la figue de barbarie de Chigara savoureuse était troquée contre des céréales dans toutes les régions du nord de Mila, jusqu'à Oued-Athmania, au sud et Constantine à l'est. Les marchands itinérants de la figue de barbarie, rapporte-t-on, sillonnaient toutes ces régions pour troquer les délicieux fruits contre du blé ou de l'orge, des fruits qu'ils transportaient à dos d'âne ou à dos de mulet, dans des filets conçus spécialement. Ils mettaient parfois plusieurs jours avant de rentrer au bercail, se souvient-on encore. Aujourd'hui, la place de la figue de barbarie dans l'économie de cette région n'est pas moins grande, bien au contraire. La démocratisation du transport et la régénération et le développement des plantations ont permis un plus grand essor de cette activité agricole. Pour preuve, les marchés de la région de Sidi Mérouane à Mila, en passant par Hammam Beni Haroun et Grarem Gouga, sont pratiquement inondés en ce mois d'août par les beaux et savoureux fruits, produits des plantations d'opuntia de Chigara. Kamel Bouabdellah