Les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) ont toutes les chances de devenir la première force politique du Maroc lors des législatives du 7 septembre. Ils nommeront au Conseil constitutionnel deux oulémas pour appliquer la charia. “Nous sommes gourmands, nous espérons 80 sièges et pourquoi pas plus”, ne cesse de se vanter le parti islamiste qui se dit assuré de devenir la première force politique au Maroc. En tout cas, les islamistes ont le vent en poupe selon les sondages. Les deux dernières enquêtes d'opinion réalisées le mois dernier les plaçaient en tête devant le vieux parti nationaliste de l'Istiqlal et les socialistes de l'USFP, lesquels disent ne pas prendre au sérieux les sondages, au motif que dans une société conservatrice comme le Maroc, on ne vote pas pour des formations mais pour des personnes en fonction de critères religieux, ethniques et accessoirement en fonction du programme politique. Raison de plus donc de voir le PJD gagnant. Pour les politologues marocains, la victoire des islamistes est d'autant plus certaine que le rendez-vous électoral sera frappé du sceau du vote sanction contre une politique qui a laissé en rade des millions de Marocains. C'est ce qui est advenu dans les pays musulmans qui ont légalisé les partis religieux : lassitude de l'électorat envers le pouvoir avec le désir de tester celui qui n'a jamais encore exercé le pouvoir et qui plus est met en avant des référentiels islamiques dans une société très marquée par la religion. Le PJD récuse toute comparaison avec l'ex-FIS algérien mais la plate-forme électorale stipule que la charia islamique doit devenir la “source principale de la législation du royaume” et propose la nomination de deux oulémas au Conseil constitutionnel pour s'assurer de la compatibilité des lois avec la charia. Le PJD, et l'Algérie le FIS, ce n'est pas la même chose. Les islamistes marocains ont fait leur première entrée au Parlement en 1997 avec 9 sièges, puis 42, cinq ans plus tard, et encore, sous la pression du makhzen. La clientèle du PJD est la même que celle des socialistes de l'USFP, c'est la classe moyenne urbaine qui a forcé sur la religion et avec en plus, les rurbains qui peuplent les habitats précaires dans les villes.Pour les bureaucrates de l'intérieur, le scrutin proportionnel par listes au plus fort devrait favoriser l'émiettement et ils sont persuadé qu'aucune formation ne pourra obtenir la majorité absolue. Donc, selon eux, pour faire partie du gouvernement, le PJD devra être coopté par les autres partis, mais ces derniers ont déjà annoncé vouloir reconduire leur alliance sans les islamistes. C'est ce qui se racontait en Algérie avant la décennie rouge. Le PJD espère un changement d'attitude dans la classe politique traditionnelle, ses leaders n'arrêtent pas de tendre la main à leurs adversaires. Ils sont persuadés que s'ils arrivaient en tête, Mohammed VI devra composer avec eux et les choses se modifieront. Le Palais royal préférait garder ses islamistes dans l'opposition pour ne pas laisser le terrain à l'association Adl wal Ihssane (Justice et bienfaisance), plus radicale et plus populaire. Cette association, à peine tolérée, critique la monarchie en prônant un Etat islamiste. Disposant d'un fort potentiel militant, Adl wal Ihssane boycotte les élections. D. Bouatta