Les groupes énergétiques français Suez et Gaz de France (GDF) ont annoncé hier leur mariage pour constituer un nouveau poids lourd mondial de l'énergie, au terme d'âpres négociations dans lesquelles le président Nicolas Sarkozy a directement pesé. Les deux groupes, l'un privé et l'autre public, ont officialisé dans un communiqué commun un accord approuvé la veille par leur conseil d'administration. GDF-Suez devient ainsi le deuxième producteur français d'électricité derrière EDF, le premier groupe gazier en Europe et parmi les trois premières “utilities” (groupes d'énergie ou d'eau) cotées dans le monde, avec un chiffre d'affaires de 72 milliards d'euros. La fusion, qui débouchera sur la création en 2008 d'un groupe baptisé GDF-Suez, entraîne de facto la privatisation de GDF mais l'Etat français disposera d'une minorité de blocage en détenant “directement plus de 35% du capital” du nouvel ensemble, ont assuré les deux groupes. “Nous avons le contrôle, nous gardons la stratégie”, a renchéri le Premier ministre, François Fillon, en tentant de désamorcer des inquiétudes sur une éventuelle hausse des prix du gaz, un sujet politiquement et socialement sensible. Le projet doit encore être approuvé par les actionnaires et la Commission européenne devra confirmer son accord. Selon l'Etat, ce rapprochement permettra surtout de renforcer la sécurité d'approvisionnement en énergie de la France. Gérard Mestrallet sera le P-DG du nouvel ensemble, poste qu'il occupe actuellement chez Suez, et Jean-François Cirelli, actuel P-DG de GDF, deviendra vice-président. Les groupes ont indiqué attendre des “synergies” annuelles “de l'ordre d'un milliard d'euros à l'horizon 2013”. Le nouvel accord prévoit en particulier que Suez se sépare en partie de son pôle environnement, qui regroupe ses activités dans l'eau et le traitement des déchets. Cette nouvelle mouture de la fusion, fruit d'intenses négociations menées sous la pression directe de M. Sarkozy, vise à résoudre la différence de valorisation entre les deux groupes, Suez valant quelque 16 milliards d'euros de plus que GDF. Selon le nouveau schéma, la parité de fusion est désormais fixée à une action Suez pour 0,9545 action GDF, contre une action Suez pour une action GDF auparavant. M. Sarkozy a obtenu que les actionnaires de Suez ne reçoivent pas de dividende exceptionnel, comme prévu initialement, car le versement d'un milliard d'euros aurait été dur à assumer politiquement. La fusion GDF-Suez avait nécessité le vote d'une loi en novembre pour autoriser la privatisation de GDF, alors que Nicolas Sarkozy s'était engagé en 2004, lorsqu'il était ministre de l'Economie, à ce que l'Etat ne passe pas sous les 70 %. Annoncée en février 2006 par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, la fusion visait à empêcher un rachat de Suez par l'italien Enel et avait été immédiatement contestée par les syndicats.